Comprends-moi bien mon vieux. Comprends-moi bien, car je ne le répèterai pas cinquante fois. Elle est partie, définitivement partie, pour où et avec qui cela n’a pas beaucoup d’importance crois moi, mais ce qu’il faut impérativement que tu retiennes c’est que nous ne la reverrons plus. Ni toi, ni moi.
A partir de ce jour nos vies vont être chamboulées, le petit confort moral, le bien être que nous envisagions pour toujours, tout cela est fini. Tu es assez grand pour comprendre ce genre de chose, c’est triste mais c’est la vie. Si ça peut te consoler, dis-toi que ça aurait pu être pire, j’aurais pu partir moi aussi de mon côté et tu te serais retrouvé tout seul. Tout seul, tu imagines ? Ah ! Tu vois, tu commences à réaliser que dans notre malheur il y a du positif.
Je dis notre malheur car moi aussi je suis bien triste. S’il existait une échelle du malheur, comme pour les séismes par exemple, mon malheur serait classé tout en haut, bien plus haut que ta peine en tout cas, soyons justes. C’était ma femme quand même, alors que ce n’était que ta maîtresse mon vieux.
J’ai beaucoup pleuré cette nuit, tu m’as entendu sangloter, mais j’ai aussi beaucoup réfléchi quand le petit matin est arrivé. La vie doit continuer, il le faut, pour moi et pour toi. Nous ne sommes ni les premiers, ni les derniers à nous être fait plaqués, l’histoire nous enseigne qu’on s’en relève toujours, il faut laisser le temps au temps. J’ai donc pris une résolution ferme, toi et moi nous allons continuer à vivre ensemble. Nous étions heureux tous les deux avec elle, nous le serons aussi sans elle.
Tu peux ouvrir de grands yeux étonnés, regarde moi bien, ce que je te dis là maintenant, ce ne sont pas de vaines paroles mais un vrai serment, toi et moi ce sera à la vie àla mort. Au début ce sera moins bien qu’avant c’est certain. Je ne fais pas bien la cuisine par exemple, je serai aussi peut-être moins attentif à tes besoins, tout cela est évident. De plus, pour toi comme pour moi, sa tendresse va nous manquer cruellement, c’est cela qui sera le plus dur au début. Nous devrons compenser son absence par des câlins réciproques. Je vois ton œil briller, c’est le mot « câlins » qui te la rappelle, n’est-ce pas ? Ne dis rien, je comprends très bien.
Pour te prouver ma bonne foi, il est tard je finis de manger et après avoir rangé la vaisselle, nous irons nous coucher, toi et moi dans le même lit. Une bonne nuit et demain sera un autre jour. T’as de beaux yeux, tu sais ?