Lecture publique de “La Princesse de Clèves” devant le Panthéon à Paris, en février 2009.REUTERS/BENOÎT TESSIER
En politique, les petites phrases ont souvent une durée de vie très courte. Celle que Nicolas Sarkozy a lâchée à propos deLa Princesse de Clèves, le 23 février 2006, avant d'être élu président de la République en 2007, échappe à la règle : cinq ans plus tard, sa déclaration à l'égard du roman de Mmede La Fayette qui laissait entendre que cette oeuvre de littérature ne pouvait pas intéresser une“guichetière”est encore gravée dans les esprits.
Le 23 février 2006, à Lyon, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur et candidat à l'élection présidentielle, promettait devant une assemblée de fonctionnaires d'”en finir avec la pression des concours et des examens”. Il avait alors lancé :“L'autre jour, je m'amusais - on s'amuse comme on peut - à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile avait mis dans le programme d'interroger les concurrents surLa Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait deLa Princesse de Clèves. Imaginez un peu le spectacle !”Deux ans plus tard, en juillet 2008, le chef de l'Etat revenait à la charge. A l'occasion d'un déplacement dans un centre de vacances en Loire-Atlantique, il faisait l'apologie du bénévolat qui, disait-il, devait être reconnu par les concours administratifs :“Car ça vaut autant que de savoir par coeurLa Princesse de Clèves. J'ai rien contre, mais… bon, j'avais beaucoup souffert sur elle”,souriait-il. La vidéo est toujours visible sur Internet.
Nombre d'enseignants, d'artistes et d'intellectuels ont vu dans ces tirades la volonté du candidat UMP, puis du président, d'enterrer la culture. La petite phrase a continué de coller à Nicolas Sarkozy, quoi qu'il fasse. Pendant le mouvement des enseignants chercheurs, entre 2007 et 2009, des lectures marathons deLa Princesse de Clèvesétaient organisées dans la rue ou devant des lieux symboliques, comme le Panthéon, à Paris.
La Princesse de Clèvesrevivait, même si elle n'a jamais cessé d'être une œuvre de référence. Dans les librairies, les ventes du roman ont connu un frémissement. Claire Chazal a même consacré un reportage à ce“drôle de phénomène”dans son journal de 20 heures, sur TF1, en mars 2009. Aujourd'hui, l'embellie est toujours là, mais variable selon les éditions de l'ouvrage - on en compte près d'une dizaine.
Chez Flammarion, environ 22 000 ouvrages ont été écoulés depuis 2008. Stables en 2007 et 2008, les ventes ont grimpé en 2009 et continuent leur ascension.“Cela coïncide avec la remise en avant de notre édition, accompagnée d'une interview de Marie Darrieussecq, et avec le programme du concours d'admission à l'Ecole normale supérieure qui prescrivait, en 2009-2010, l'étude du roman”, précise Charlotte von Essen, responsable éditoriale de la collection “GF” chez Flammarion. Gallimard ne veut pas dévoiler de chiffres, mais note“une progression très nette des ventes entre 2007 et 2009, suivie d'un net recul en 2010, de l'ordre de 20 %”. L'effet Sarkozy serait-il passé ? Vite, une autre petite phrase..
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