A l’occasion de sa série d’articles “Editores ante el final de la era Gutenberg”, le quotidien espagnol El Pais a rencontré Antoine Gallimard, pour discuter de l’avenir du livre et de l’édition numérique. Certaines déclarations sont édifiantes…
Voici quelques extraits de l’interview :
- A propos de l’avenir du livre
Je ne suis pas inquiet quant à l’avenir du livre. Je suis certain que le livre conservera une place extrêmement importante. Le livre électronique, loin d’annoncer la fin du livre, est au contraire une nouvelle opportunité pour celui ci. Un livre ne se définit pas seulement par un enchaînement de caractères, une mise en page et quelques chapitres… Et le livre numérique se présente lui, simplement comme un nouvel organe constitutif du livre. Comme la photographie, le livre numérique offre une grande flexibilité : différents formats, réimpressions limitées. Par conséquent, il constitue une opportunité formidable pour enrichir le catalogue et maintenir les livres en vie.
Je crois que l’avenir du livre dépend à la fois des éditeurs et des auteurs. Pour exercer cette profession il ne suffit pas d’aimer la littérature, il faut également aimer les écrivains, les lecteurs, le public. C’est une profession qui implique le désir de partager, à travers le livre, des univers imaginaires et secrets. Vargas Llosa l’a très bien expliqué lors de son discours du prix Nobel : “Raconter des histoires pour faire que la vie soit meilleure.” Nous aurons toujours besoin d’histoire pour améliorer notre vie. C’est pour cette raison que je crois que le livre à un brillant avenir.
- A propos de la révolution numérique
La révolution numérique est une révolution technologique fondée sur la rapidité avec laquelle nous pouvons nous procurer du contenu. L’important est de savoir si cette révolution va transformer le comportement du lecteur ou influer sur l’imagination de l’écrivain. [...] Le danger n’est pas le numérique : comme je l’ai dit précédemment, l’édition numérique est une opportunité. Le vrai danger c’est la gratuité. Il ne s’agit pas d’accuser Internet mais le piratage. [...]
Gallimard a entamé des procédures judiciaires contre plusieurs fournisseurs d’accès tels qu’Orange, de façon à ce que ces derniers arrêtent d’héberger des sites depuis lesquels les internautes téléchargent illégalement des livres numériques. Nous avons réussi à faire fermer certains de ces sites, toutefois Orange nous a attaqué en retour au nom du libre accès à Internet.
En tant que président du SNE, je lutte aujourd’hui en faveur des droits d’exploitation numérique et pour l’établissement d’une loi qui assure le contrôle des prix du livre numérique, de façon à préserver à la fois la valeur du livre, de la création et de l’édition, mais aussi pour protéger les libraires et les écrivains.
- A propos du piratage
Le livre est mieux armé que la musique, car, par nature, il n’est pas si immatériel. Le livre fait appel à tout nos sens : le toucher, l’odeur du papier, la vue… Et son intermédiaire historique est le libraire. En France, nous avons la chance d’avoir encore aujourd’hui de très bonnes librairies, contrairement au Royaume Uni par exemple, où le métier de libraire tend à disparaître.
Le monde de la musique n’a jamais réalisé le danger, mais le livre est arrivé plus tard que la musique dans l’univers numérique. Même les politiques, les médias et l’opinion publique ont pris conscience du risque. Désormais nous travaillons de façon à ce que l’offre de livres numériques soit aussi large et attrayante que possible, sans pour autant abandonner la lutte contre le piratage…
Lire l’intégralité de l’interview sur El Pais.