Il y a une scène que j’ai vécue plusieurs fois que je pense que je revivrais encore. C’est l’ami, le client, le partenaire ou une quelconque autre connaissance qui vient me voir en disant : « J’ai réfléchi longuement et je suis convaincu que telle idée que j’ai eu va marcher. Tiens, si on fait comme ci ou comme ça, voici ce qui se passe. Regarde ce qui s’est passé à tel endroit ou avec telle personnalité connue du monde des affaires. Le principe est le même et quand je regarde notre environnement, je suis certain que cette idée X va marcher ». Certains parlaient avec enthousiasme, d’autres comme s’ils avaient plus de maturité. Mais le principe était le même, ils avaient tous une bonne idée capable d’être rentable. Et la suite de l’idée pour beaucoup de ces personnes était l’action. Je fais d’ailleurs partie de ce lot de ce personnes. Aujourd’hui, je recommande plus du recul.
De l’idée aux actions : Le mauvais cheminement
Ce que j’ai observé, c’est en fait un cheminement en quatre étapes :
•une idée, qui vient et prend forme dans l’esprit
•un temps de considération de l’idée sous plusieurs angles qui aboutit soit au rejet de l’idée, soit dans beaucoup de cas, à sa confirmation tant et si bien que ceux qui ne passent pas à l’action restent convaincu que l’idée aurait été excellente s’ils avaient eu l’occasion de passer à l’action
•un temps d’échanges avec les amis, professionnels et autres qui aboutit généralement à davantage de consolidation de l’idée quand ici, elle n’est pas passée au rejet
•et puis l’action où on se lance dans l’idée, dans le projet qu’on a eu.
Plusieurs fois, il m’est arrivé de demander aux personnes dans l’action ou après l’action si ils avaient des documents précis sur l’idée qu’ils avaient et dans bien de cas (très rarement en réalité), j’ai reçu des documents écrits.
Il y a en réalité dans notre société très peu d’idées de projets qui sont passées par LES cases rédaction. J’insiste sur le pluriel de cette étape. Parce qu’il ne s’agit pas d’une rédaction, mais bien DES rédactionS.
Pour une rédaction, j’ai noté que quelques personnes ayant ou pensant avoir des notions sur entrepreneuriat, s’essayaient à la rédaction des plans d’affaires. Il s’agit d’un exercice dont la simplicité doit se limiter aux types de cas sur lesquels ils se font. Pour certains plans d’affaires en effet, n’importe quel étudiant en management ou n’importe quel consultant ou formateur peut faire l’affaire. Même le plus banal entrepreneur ayant des connaissances rédactionnelles peut se fonder sur n’importe quel guide et produire un document au moins compréhensible pour lui-même. Mais pour d’autres cas (et c’est en réalité la majorité des cas), il est nécessaire de faire appel à des véritables professionnels.
Mais mon propos est de dire que la rédaction d’idées n’est pas la rédaction des plans d’affaires. Il est important que les meilleures idées et les meilleurs projets se traduisent en rédaction. Et les plans d’affaires viennent tout à la fin de la chaine.
Déménagez les idées de vos têtes vers des supports papiers ou numériques : elles y seront plus à l’aise !
La méthode que je recommande pour cela est celle- ci :
1 – un jet sur une feuille de tout ce qui passe à la tête et des questions qui doivent aller avec.
J’ai une idée, j’en ai discuté avec x et y, je la sens et je pense qu’elle va marcher, je peux me lancer…mais hop…il faut que je prenne le temps de l’écrire. Qu’est ce que je veux faire ; Comment je veux le faire ; est ce que je peux le faire ? Est ce que je peux vraiment le faire ? Pourquoi je pense que ca va marcher ? Qu’est ce que ca peut apporter ? Qu’est ce que j’ai comme élément concret pour penser que ca peut m’apporter quelque chose ? Comment ca va marcher ? Quels sont les éléments qui font que ca pourrait ne pas marcher ? je peux prendre le temps de faire cela avec un bon power point, ou sur word ?
Il est important que ces questions quittent la tête pour habiter dans les écrits (papier ou numériques).
2 – discussion avec les amis et autres connaissances
Une fois que tout ceci est rédigé, le résultat qu’on obtient souvent est soit qu’on sursoie à l’idée, soit plus généralement qu’on est conforté dans la réalisation de son idée. J’ai vu peu de personnes aboutir à un rejet après ce genre d’exercice. Ceci a une explication non rationnelle que je ne vais pas aborder dans ce post et il y a un outil intéressant qui permet d’aborder cette question autrement que je présenterais une autre fois. Mais l’idéal est qu’à ce stade, l’idée soit partagée. Que l’idée écrite soit échangée…mais cette fois avec du recul. Il ne s’agit plus de présenter une idée en or aux amis, mais de leur demander leur avis avec banalité et attention sur une idée comme il y’en a mille. La différence de manière est importante. Il ne s’agit pas d’engager un business plan, mais d’écouter les réactions sur l’idée. Parfois vous pouvez aussi tester l’idée par des actions tests et écouter les réactions, les analyser, etc.
3 – déterminer la part de saleté dans l’ « idée en or »
Ce n’est qu’une fois que les gens ont réagi, non pas sur une idée en or, mais sur une simple idée, avec un document en appui sur l’idée, que la lisibilité d’une idée d’entreprise ou de développement se maturise vraiment. On commence alors à vraiment savoir les risques potentiels ou éventuels, la part de soi-même et d’égo dans l’idée, bref, on prend un peu de recul.
4 – déterminer la nécessité de continuer avec l’idée et si oui, s’engager dans une démarche plus professionnelle de confrontation de l’idée (à travers un business plan par exemple).
Ce recul permet souvent de décider de qui fait le business plan. Dans la plupart des cas, un appel externe de quelqu’un capable d’avoir un regard profond sur l’idée et sa mise en forme est nécessaire…sinon, on s’engage soi même dans une rédaction beaucoup moins passionnelle et partisane du business plan. Bref, la rédaction du business plan devient un outil pour soi-même pour décider avant de devenir un outil pour convaincre les autres.
De manière générale, ce processus est à recommander à ceux qui veulent engager leurs idées de projets en actes concrets, mais aussi à ceux qui ont déjà investi et qui veulent s’élargir vers d’autres choses. Mais je m’adresse aussi à ceux qui conseillent aux gens une seule chose : rédiger votre business plan.
Pour finir donc,
1.Votre idée est en or, c’est votre liberté de le penser, mais ca peut être faux ;
2.Le contexte camerounais ou africain ne vous permet cependant pas de trop rêver ;
3.Prenez donc le temps de bien confronter votre idée… en en discutant, en développant des actions teste, en faisant des choses qui vous plongent mieux dans elle tout en vous tenant assez à distance pour que vous ayez le recul nécessaire ; si elle n’est pas bonne, passez à une autre. Il y a toujours une idée déclic quelque part ;
4.Ne commencez pas directement à mettre votre idée en action. N’ayez pas les yeux sur vos amis qui ou sur les stars du business américains. Pour vos amis, il se pourrait qu’ils aient fait une erreur qui va se voir dans quelques mois ou quelques années et vous n’avez pas besoin de faire pareil ; pour les stars du business américain devenus milliardaires à l’âge où vous passiez le bac…convenez qu’il y en a moins de 5% de la population américaine dont vous ne faites du reste pas partie. Cherchez plutôt des modèles qui soient plus proches de votre réalité ;
5.Le business plan n’est pas la première étape pour tester votre idée. Si vous commencez par là, votre business plan risque d’avoir tendance à valider votre idée en or, et donc à masquer le fait qu’elle pourrait ne pas être si en or que cela. Mettez là d’abord sous un Powerpoint ou un Word et laissez les amis et professionnels vous donner librement leurs avis, ne pas les traiter comme si elles étaient des idées en or. Vous apprendrez beaucoup sur vos idées ;
6.En passant à l’étape du business plan, c’est que votre idée a tenu la route jusque là. Pour que l’étape du business plan lui soit salutaire, il faut qu’elle lui soit la plus objective ;
7.Allez, sortez de l’illusion collective et osez votre entreprise différemment !
8.Et n’oubliez pas…Ce n’est jamais trop lent que de prendre le temps de loger votre idée à la bonne enseigne !
Contribution de Paul-Armand MENYE, diplômé en psychologie des organisations et auteur du blog PSYCHORGANISONS