Nantes, Atelier Van Lieshout pour Estuaire 2008
La production de l’espace urbain, et de son identité, s’appuie de plus en plus sur l’art contemporain. Des biennales d’art in situ aux projets d’aménagement intégrant des œuvres pérennes, on observe un entichement certain de l’urbanisme pour l’art d’aujourd’hui. La biennale de l’Estuaire tente de faire émerger l’image de la métropole Nantes Saint-Nazaire tandis que le tramway de Nice s’est accompagné d’intervention artistique et que les rives de la Saône verront bientôt leur réaménagement sous la houlette d’une direction artistique très impliquée. Il est intéressant de s’interroger sur ces retrouvailles entre aménageurs et artistes.
La composition urbaine ne fut pas toujours disjointe du domaine de l’art. Cela renvoie à la distinction professionnelle du concepteur. Lorsqu’en 1538 Michel-Ange commença le réaménagement de la place du Capitole, c’est à partir d’une sculpture qu’il ordonnance la place et ses façades périphériques. Point de distinction à la Renaissance entre artiste, architecte et urbaniste. L’architecture et l’urbanisme classique puis néo-classique perdurèrent le mariage en affectant pourtant une place précise à chacun. Résurgence de la fusion aménageurs - artistes avec le Bauhaus puis extinction du principe dans un modernisme standardisé où chaque échelle appartient à un champ disciplinaire.
En février fut présenter à Lyon du réaménagement de 25 km de berges de la Saône où plasticiens et paysagistes ont travaillé en amont pour former une “communauté de pensée” capable d’habiter cette promenade continue. ce n’est pas sans rappeler l’esprit du projet de monument dispersé dans la métropole nantaise où des interventions in situ viennent interrogées un territoire en devenir. Un doute persiste en moi. A écouter Jean Blaise s’expliquer lors du “Grand prix de l’urbanisme”, l’art contemporain se doit d’être pour le plus grand nombre, ludique et promoteur d’une culture de l’envie et du désir. Si nous considérons que l’urbanisme stimule le “vivre ensemble” cher à l’objectif de cohésion sociale du développement durable, nous devons reconsidérer l’art contemporain.
Comme expression d’un état de la société, les créations d’art contemporain s’inscrivent naturellement dans la sphère publique. Mais leur passage dans l’espace public de la déambulation et de la détente pourrait venir à ternir la portée de l’oeuvre en valorisant son caractère décoratif ou ludique au détriment de son message. Le risque se situe bien entendu dans la perte de sens. Ces projets m’apparaissent parfois comme l’illusion d’un travail collectif où paysagistes et artistes travailleraient main dans la main, croyant manipuler l’ontologie du projet alors qu’ils sont projetés dans le spectaculaire du projet urbain.
Autant l’urbanisme se doit d’entretenir une culture du compromis (dont nous faisons notre éthique), pour harmoniser la multitude des usages et des temporalités, autant l’art contemporain recèle d’une vérité qui n’est pas soluble directement dans l’espace du quotidien. Entendons nous bien: l’oeuvre a toute sa place sortie du musée, et in situ, mais accompagnée d’une médiation d’un autre ordre qu’explicatif. Le syndrome “sculpture sur rond-point” pourrait bien vite se transformer en “promenade décorée” par un phénomène de mode. Le sujet est délicat puisqu’une attitude dogmatique aboutirait à interdire les productions contemporaines dans l’espace public. Gardons à l’esprit que l’oeuvre nécessite un espace privilégié d’apparition.