Du plaisir des séries B printanières

Par Tred @limpossibleblog
Quand l’été va arriver, je sais déjà que je vais prendre plaisir à descendre à pied aux Halles à la séance de 22h, aller chercher le frais d’une salle de cinéma dans la chaleur estivale pour me détendre devant un no brainer de saison ou une pépite passant inaperçue. Les dernières séances quand il fait chaud et beau, il n’y a rien de tel. En attendant ces jours, je me muscle les yeux devant des films qui auraient pu sortir en plein été et constituer mes petites toiles du soir. En l’espace de quelques jours, je viens de m’enchaîner deux bonnes séries B qui feraient crier les bobos ne jurant que par Télérama qui auront tôt fait de les caser dans leur liste « Pas la peine de se déplacer ». Mon problème (qui n’en n’est pas un) c’est que je ne lis pas que Télérama, et que je déteste les listes « Pas la peine de se déplacer ». Alors j’y vais quand même.
Quel plaisir peut-il bien y avoir à NE PAS se laisser tenter par les séries B hollywoodiennes (ou presque) qui d’un coup d’œil lointain peuvent paraître lourdes ou ring’ (ou les deux) ? J’ai beau tenter de prêcher la bonne parole de la série B jouissive à qui veut l’entendre, il y en a encore qui n’y sont pas sensibles et préfèrent n’y voir que des films indignes de leur attention. Des mauvais films. Dommage.Prenons le premier des deux films que j’ai vu. World Invasion : Battle Los Angeles, un titre à rallonge pour le marché international lorsqu’aux États-Unis, l’invasion n’est pas mondiale. Il faut croire que les distributeurs ont craint qu’un seul Battle Los Angeles agace un peu le public européen (notamment) dans l’ethnocentrisme US. En même temps il n’y aurait pas franchement tromperie sur la marchandise.
World Invasion : Battle Los Angeles se déroule en l’espace de quelques heures… à Los Angeles donc. La Terre vient d’être prise d’assaut par des extraterrestres pour le moins belliqueux convoitant nos ressources et cherchant à se rendre maître des lieux. Alors que la guerre contre les envahisseurs est mondiale (donc), et que les villes tombent une à une sous l’offensive ennemie, Los Angeles et ses escouades de Marines tente de résister. Notre héros ? Le Sergent Nantz, un médaillé en passe de prendre sa retraite qui va devoir se coltiner des aliens en guise de pot de départ alors que l’unité à laquelle il est affecté ne lui fait pas franchement confiance, lui qui vient de perdre tous ses hommes dans un conflit que l’on devine moyen-oriental.
La bande-annonce en aura peut-être trompé quelques uns, avec sa musique spleen donnant des allures joliment mélancoliques aux impressionnantes images de bataille. Non, World Invasion : Battle Los Angeles n’est pas ce film. Le film de Jonathan Liebesman est une pure série B SF et guerrière. Mais attention, pas de second degré ici. Le héros est un vrai héros, il a bourlingué, il est malaimé, et c’est par sa vaillance et sa hargne, sa volonté de défendre des idéaux primaires consistant en son corps de Marines, en son drapeau, en ses concitoyens et en sa planète, qu’il va s’élever et se transcender.
Il n’y a pas de cynisme dans World Invasion, ou si peu, il faut donc bien prendre le film pour ce qu’il est : un pur divertissement ne cherchant pas la petite bête métaphorique. On est dans le premier degré ici, comme l’était Independant Day il y a quinze ans. On dit du bien des mecs en treillis, on les glorifie, on fait vibrer la fibre humaniste, le tout emballé dans un film d’action ne lâchant pas notre attention une seconde, caméra à l’épaule et explosions à tous les coins de rue. Ca court, ça pète, ça tire, le tout avec moult courage et héroïsme. Premier degré à fond. Alors oui, forcément, si c’est la part impertinente de notre esprit qui s’y rend, c’est le désenchantement probable. Battle Los Angeles, qu’on soit clair, c’est un peu l’antithèse de Starship Troopers, le chef d’œuvre de cynisme guerrier et spatial de Paul Verhoeven. Ici, on casse de l’alien sans second degré. Certains diront « c’est paaas bieeen ». Mais Hollywood nous a appris au fil des décennies à faire fi de temps en temps de notre part allergique à leur obsession du drapeau et de l’honneur pour prendre un plaisir simple et évasif. De vibrer un peu avec ses héros (surtout lorsqu’un acteur comme Aaron Eckhart s’y colle pour faire oublier que les seconds couteaux sont faiblards).
Mon autre série B printanière, c’est Hell Driver. Oui, ce nanar en puissance dont on a vu l’affiche sur tous les bus ces dernières semaines avec Nicolas Cage et sa blondinette, celui-là même qui affiche fièrement "tourné en 3D" en guise de sous-titre. En fait, ce n’est pas un nanar. Oh, je ne vous en voudrais pas de l’avoir pensé, il faut bien avouer que lorsqu’on jette un œil à la filmo de Cage ces derniers temps, il y a plus de nanars que de bons films. Et quand en plus on lit ses interviews dans lesquelles il déclare qu’on ne le verra plus jamais dans un film nommé aux Oscars, qu’il préfère tourner avec les réals de Crank plutôt qu’avec Scorsese ou De Palma, et que le film dont il est le plus fier dans sa filmo c’est Le Dernier des Templiers (oui, c’est l’interview des Inrocks), y a de quoi s’inquiéter quand son nouveau film sort.
Et effectivement, à la vision de Hell Driver, difficile de ne pas s’accorder à dire que le film n’ira pas aux Oscars et qu’il n’est certainement pas réalisé par Scorsese. Enfin bref on l’a bien compris, Nicolas Cage a décidé de reprendre le flambeau de ces acteurs malaimés de séries B choisissant l’éclate plutôt que l’art, et vu que c’est son boulot et sa vie, on va dire qu’il fait comme il veut le neveu de Coppola, même si moi je l’aimais bien aussi dans les films plus ambitieux. Dans les mois qui viennent, on voit se profiler le redouté Ghost Rider 2 (un reboot plutôt qu'un remake, paraît-il) qui va lui permettre de donner la réplique à un autre malaimé que j’aime bien qui lui sera déguisé en moine, Christophe Lambert.Mais bon je m’écarte. La digression Nicolas Cage, ses ambitions, ses idées, ses moumoutes, ça sera pour un autre jour. Parce que l’air de rien j’ai envie de dire tout le bien que je pense de Hell Driver tourné en 3D (c'est tentant de l'écrire ainsi), sa dernière série B en date. « Tout » le bien, j’exagère un peu, je n’ai pas non plus l’intention de crier au génie ou à l’indispensable. Mais mon éthique d’amateur de séries B me pousse à écrire ma sympathie pour le film de Patrick Lussier (un gus qui a pourtant une sacrée filmo de nanars derrière lui). Déjà il faut le dire, Hell Driver représente pour le moment l’une des plus intéressantes utilisations de la 3D relief depuis qu’Avatar a rendu la technique si populaire.
Le film a été pensé et tourné en 3D, et même si je reste persuadé que la technique est un gadget dispensable pour le cinéma, celle d’Hell Driver est l’une des plus judicieuse et agréable qui nous ait été offerte. Mais la vraie qualité de Hell Driver (non les gars, ce n’est pas Amber Heard déambulant tout du long en mini short), c’est l’esprit totalement assumé de série B, et le traitement en tant que tel. Pas de fioriture dans le film de Lussier, qui nous plonge directement dans le bain, sans préambule, nous lançant dès les premières secondes sur les routes du sud des États-Unis avec un Nicolas Cage échappé des Enfers et poursuivant inlassablement ceux qui ont enlevé sa petite fille. Les balles pleuvent, les bras sautent, le sang gicle, les pneus crissent. Ca fleure bon la série B d’entrée de jeu.
Et contrairement à… au hasard Ghost Rider pour rester dans la filmo de Nicolas Cage, ce qui fait qu’on ne tombe pas dans le nanar avec Hell Driver (titre français de Drive Angry)c’est que le film n’en fait pas des tonnes sur l’aspect ésotérique de son intrigue. Pas de Belzébuth démoniaque, pas de transformation over the top, pas de sérieux trop grand pour les épaules du film. Il se contente d’être sec, rapide, cogneur, et d’avoir de l’autodérision. Il se permet surtout de suggérer plutôt que de montrer… bon, pas dans le sang, qui gicle bien, mais plutôt dans la mythologie créée, Lucifer, l’Enfer, tout cela est mentionné plus que montré, le film préférant se fixer sur le road movie vengeur diablement efficace.
Cage, quoiqu’il raconte dans ses interviews et quelle que soit son ambition d’acteur revue à la baisse, apporte sa tronche au film, cette présence fantomatique et dure qui sied bien au personnage, la moumoute ne ressemblant à rien, le corps à peu près insensible au danger. Face à lui, autre qualité du film (non, pas le mini short d’Amber Heard…), William Fichtner, comme Cage un habitué de l’univers de Jerry Bruckheimer qui n’a pourtant rien à voir avec ce film-ci, et qui campe « Le comptable », qui poursuit Cage depuis les Enfers afin de le ramener au bercail, dut-il employer la force s’il le faut (et il le faut). Fichtner apporte bien plus par sa présence décalée tout en second degré que Billy Burke en leader de secte qui est à deux doigts de faire basculer le film dans le ridicule à chaque fois qu’il ouvre la bouche pour faire entendre son faux accent du sud trop appuyé.
Un bon film du soir, même si l'été n'est pas encore là... Je sors toujours heureux d’une série B bien foutue, que le héros y dégomme des aliens envahissants ou des fanatiques démoniaques. De temps en temps, entre un grand film et un navet, ça fait du bien. Surtout lorsqu’Amber Heard s’y balade en mini short (bah oui, quand même).