Chaque mois, Portrait de Danoners vous emmène à la rencontre des hommes et des femmes qui font Danone. Et quel meilleur hôte, pour un premier rendez-vous, que la légende derrière la marque : Daniel Carasso.
On pourrait croire qu’il était prédestiné. Fils de médecin, Daniel Carasso voit le jour en 1905, à Salonique, sur les rives de l’Empire Ottoman. Un empire déjà et pas des moindres puisque réputé pour être le berceau du lait de brebis fermenté… l’ancêtre du yaourt ! Mais Daniel ne profitera que très peu de la culture turque : sa mère, atteinte d’une maladie pulmonaire, nécessite des soins dans une clinique spécialisée de Lausanne. La famille déménage brièvement en Suisse, avant de regagner la terre de ses aïeux, l’Espagne, à la mort d’Esterina Carasso.
Premiers pas
Après avoir ouvert son cabinet médical à Barcelone, son père, Isaac Carasso constate une recrudescence des troubles intestinaux chez ses jeunes patients. Il s’intéresse alors aux travaux du prix nobel russe Elie Metchnikoff qui préconise la consommation de lait fermenté comme remède.
«Mon père […] ne tenait pas en place. C’est pourquoi en 1919, cherchant à s’occuper, il a décidé de produire du yoghourt à Barcelone»
Marchant sur les pas de ce père, Daniel Carasso va rapidement apporter sa pierre à l’édifice. Sa première contribution : offrir son surnom comme nom de marque des yaourts Carasso. En catalan, «Petit Daniel» se dit «Danon». Ajoutez-y un «e» et la saga peut commencer ! Pendant que le père livre ses produits aux pharmacies (ses yaourts sont fabriqués à partir de ferments lactiques provenant de l’Institut Pasteur), le fils poursuit des études de commerce à Marseille qu’il complètera par une formation en bactériologie à l’Institut Pasteur. Attaché à la France, il monte une filiale parisienne en 1929 puis une usine à Levallois-Perret, et distribue ses yaourts dans les crémeries et les magasins d’alimentation. Le yoghourt Danone n’est plus qu’un médicament, c’est aussi un dessert.
Le résultat ne se fait pas attendre : l’antenne française surpasse la maison-mère espagnole en termes de production et de ventes, ce que se gardera bien de révéler Daniel, par respect pour son père. Des petits secrets qui dureront près de 10 ans, jusque la disparition d’Isaac Carasso.
L’exil américain
1941. Daniel Carasso s’installe à New York et exporte Danone avec lui. C’est un choc culturel.
«Le yoghourt était inconnu de la population […] Ce n’était qu’un produit lacté, un milk food parmi d’autres. Je me trouvais devant une langue et une culture nouvelles»
*Révolution n°1 : Danone est imprononçable en anglais (articulez Dé-no-ni), il faut donc changer de nom, ce sera Dannon.
*Révolution n°2 : le consommateur américain n’est pas convaincu par le goût acide des yaourts Dannon, son palais étant plus coutumier des crèmes glacées. «Danon» trouve la parade : ajouter une couche de confiture de fraise au fond de ses pots. Le premier yaourt bicouche est né et c’est encore un succès.
La famille s’agrandit
Mai 1945. Daniel Carasso rentre en France, déterminé à faire de Danone l’un des premiers foyers d’emplois nationaux. L’élan d’innovation s’accélère : nouveaux produits - c’est l’ère des yaourts brassés avec Velouté, des desserts gélifiés avec Dany ou encore du premier fromage frais allégé avec Taillefine -, nouvelles usines et surtout nouveaux partenaires. D’abord les entreprises Gervais, marraines du petit suisse, puis BSN, géant du verre… à la tête duquel on retrouve un certain Antoine Riboud.
«Le courant est tout de suite passé entre nous. Nous avons évoqué l’avenir de nos affaires et j’ai constaté que nous avions la même vision des choses. J’ai très vite pensé qu’il était le partenaire qu’il nous fallait»
Le rêve de Daniel Carasso se réalise en juin 1973 : Danone laisse place à BSN-Gervais Danone, premier groupe agroalimentaire français. Monsieur Carasso, à l’orée de ses 70 ans, peut se retirer, passant le relais à un nouveau binôme père-fils : Antoine et Franck Riboud. La boucle est bouclée.
L’après Danone
Président d’honneur, Daniel Carasso continue de visiter régulièrement les usines, inaugure les centres de recherche qui lui sont dédiés, dispense ses idées marketing à la nouvelle génération, sourit quand on lui présente le bilan Danone : présence dans 50 pays, 51 milliards de pots de yaourts produits… et se remémore les quelques 400 pots livrés quotidiennement par l’entreprise paternelle.
«Il a pris le rôle du père de l’entreprise et il joue le jeu […] Il se souvient de tout, quand il raconte sa vie, c’est une leçon de marketing»
Fier d’une telle succession, Franck Riboud l’est encore plus d’avoir fêté les 90 ans de Danone aux côtés de son mentor. Nous sommes en avril 2009. Un mois plus tard, le grand Daniel s’éteint à l’âge de 103 ans. Un siècle d’innovations au service des hommes.
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(source photo : Bernard Tribondeau / Prodeo)