Suite à la lettre de Jean-François Copé, je tiens à vous montrer à quel point celle-ci est un modèle de caricature et de marginalisation, facilement déclinable à votre propre débat. Ici, la place de l’obèse dans la société.
Ma chère copine,
Voilà des années que nous évoquons ensemble la difficulté des obèses en France à faire comprendre leur goût pour la bouffe, défigurée dans l’opinion par des comportements radicaux ultraminoritaires. Voilà des années que nous déplorons tous les deux le mélange d’incompréhensions, de peurs, de caricatures qui domine au sujet de ton poids, à tel point que beaucoup de nos compatriotes considèrent à présent que « les obèses ne sont pas bien intégrés » ou, pire, que « l’obésité une est une menace ».
Je devine la peine immense que vous devez éprouver en constatant cela. Vous dont les fast-foods n’ont plus de secrets, vous qui vengez chaque jour avec vos frères d’armes la famine dans le monde. Vous qui êtes pleinement français et si fier de l’être, conjuguant, comme tant d’autres, foi gastronomique et attachement à la quantité.
Hier, vous m’avez dit votre perplexité à l’égard de ce « fichu débat » – ce sont vos mots – qu’Opinion Sur Rue a lancé sur l’obésité. Loin de vous rassurer, cette initiative vous inquiète. Il est vrai que, depuis des semaines, tout ce que Paris compte d’imprécateurs et de polémistes aura fait de son mieux pour déformer nos intentions.
Pour nous faire renoncer, on aura tout tenté: manipulations, insultes, intimidations … Quoi de plus essentiel, pourtant, que de rappeler notre attachement à ce précieux principe de santé et bien-être ? Que d’inviter à s’exprimer les différentes sensibilités sur ce bien qui fonde un projet de société généreux et presque unique au monde ? Car être gros n’est pas le rejet d’une alimentation saine et controlée ; c’est la liberté pour chacun, s’il le souhaite, de s’empifrer, la tête la première, toujours s’il le souhaite, de pots de Nutella à coup de grosses cuillères à s’en foutre jusque sur le front, dans le respect bien sûr des salades de concombre des autres et dans le respect de son voisin de table. Elle a une longue histoire, parfois houleuse, elle s’est faite larguer y’a 6 mois, elle a du mal à s’en remettre.
Alléger le fardeau
L’obésité, apparue avec la société de consommation, poursuivait un objectif premier: acheter toujours plus, se gaver disait-on alors, avec ces confusions censées tromper le peuple. L’obésité de 2011 n’a pour essence ni la division ni le combat. Elle doit au contraire rassembler. Pour mieux manger ensemble.
Son premier ennemi, c’est aujourd’hui l’ignorance. La méconnaissance de l’autre, de sa confession ou de sa philosophie, de ses espérances ou de ses doutes … Je voudrais tant que ce débat soit l’occasion magnifique de se mettre à l’écoute, pour mieux se connaître, se respecter et construire l’avenir.
Nous n’éluderons pas les enjeux des obèses de France, les progrès accomplis comme ceux qu’il reste à faire. Vous me disiez votre crainte à cet égard. C’est tout l’inverse. Notre objectif est d’alléger le fardeau qui pèse sur les jambes des obèses de France. Ils n’en peuvent plus d’une stigmatisation causée par des comportements qu’ils condamnent. Vous êtes toujours le premier à me le dire : bouffer des glaces Ben & Gerry’s et des Kinder Choco Bons dans une société où il est de bon ton d’être mince, ce n’est pas logique, mais c’est tellement bon, on en mangerait bien deux d’un coup …
Les barons de la mode et les obèses revendiqués se régalent de nos divisions. Ils les suscitent parce qu’ils en vivent. Par cette lettre, je veux vous dire que nous pouvons les arrêter. Là où ils dénoncent, nous proposons. Là où ils jouent sur les fantasmes, nous clarifions les choses. Imaginons ensemble que les gros disposent de chaises à leur taille, en nombre suffisant et financés dans le respect de l’espace vital de chacun. Imaginons des ministres de votre communauté engraissés en France et attachés à nos frites. Imaginons un Code de l’obésité, connu et respecté de chacun, car rappelant à tous les règles indispensables dans nos rues, nos écoles, nos entreprises …
Vous le voyez, les mots que j’emploie, l’objectif que je poursuis sont empreints de paix et de respect, à mille lieues des procès d’intention que l’on nous fait. La source de mon engagement n’a jamais été la division ; c’est la volonté de rassembler. Mon combat, ma vie, c’est le service d’un pays où chaque Français est considéré. Où chaque Français est important. Ma chère amie, autour d’un bon verre de soda, partageons ensemble cette mission. Elle a pour nom Fraternité.