Égalité des sexes & assurances

Publié le 30 mars 2011 par Copeau @Contrepoints

Les économistes sont souvent taxés de mal prédire l’avenir et les Français leur préféreraient d’ailleurs les astrologues. Nous pouvons néanmoins prédire avec certitude l’avenir du marché de l’assurance : il va se détraquer. En effet, la décision de la Cour européenne de Justice interdisant la discrimination selon le sexe dans les contrats d’assurance va couper le moteur de l’assurance et avec elle de quoi se protéger efficacement contre les aléas de la vie.

La lutte contre la discrimination entre les assurés part sans doute d’une bonne intention, mais à quoi sert-elle si elle nous fait courir à tous davantage de risques. Il est contradictoire de critiquer en permanence la prise de risque et l’irresponsabilité des marchés et d’en miner en même temps une de ses institutions-phare, nécessaire à la prise en charge des risques et des dommages que leur réalisation occasionne.

Si l’assurance est discriminatoire, c’est parce qu’elle ne peut pas fonctionner autrement si elle veut protéger efficacement les assurés.

En effet, pour offrir une bonne gestion des risques, les assureurs doivent faire la différence entre différents risques et les classer. L’objectif est de regrouper des risques similaires, puis de calculer des prix pour les couvrir en fonction du nombre de fois que ce risque s’est concrétisé dans le passé.

La libre différenciation des risques, des primes et des polices d’assurance joue un rôle crucial pour le bon fonctionnement du secteur de l’assurance qui doit en particulier éviter de n’attirer que des « mauvais risques ».

Comme cela peut provoquer sa faillite, l’assureur met en place des franchises ou décide de pénalités plus sévères (malus) pour certains groupes de risques, comme celui des jeunes automobilistes. Des tarifications diverses et la différentiation sont au cœur du métier de l’assureur.

En leur absence, les « mauvais » risques se multiplient, car ils se trouvent subventionnés par les bons risques.

C’est probablement une chance pour ceux qui se trouvent ainsi subventionnés, mais ils le sont aux dépens des autres souscripteurs qui le paient par des primes et des franchises plus élevées. La réglementation « anti-discrimination » n’a donc aucunement fait disparaître « la discrimination ». Par un tour de passe-passe, elle l’a seulement déplacée d’un groupe vers un autre.

Ainsi, dans le cadre des nouvelles règles assurantielles en Europe, les femmes pourraient être pénalisées en matière d’assurance automobile ou d’assurance contre les maladies graves. En matière d’assurance santé ou d’assurance vie/décès, des souscripteurs jeunes et en bonne santé seront amenés à subventionner les assurés plus âgés et généralement plus fortunés.

À plus long terme, la prise inconsidérée de risques se trouvera encouragée par la réglementation. Cela renchérira le coût des polices d’assurance et risque même d’inciter les assureurs à ne plus proposer certains contrats. Les assurés en seront les grands perdants et devront payer le coût caché de cette réglementation qui ouvre grand la porte à de nouvelles interventions des pouvoirs publics qui n’iront pas sans leurs propres effets pervers.

La politique « anti-discrimination » de l’Europe ne remplit pas ses promesses, car elle ne peut guère supprimer la discrimination envers un groupe sans créer de la discrimination envers un autre. Dans certains cas, les hommes seront favorisés et dans d’autres, ce seront les femmes. Par contre, en supprimant la boussole des prix à travers la diversification des primes et des polices d’assurance, elle détraque le marché et va nous faire courir beaucoup plus de risques à l’avenir.

(Illustration René Le Honzec)