Chez Camdeborde (Un comptoir peut toujours en cacher un autre)

Publié le 30 mars 2011 par Olivier Beaunay

Cela commence, au Comptoir du Relais, avec des menaces : un type du Michelin accueilli froidement promet de donner de ses nouvelles. Camdeborde s'en moque : le Sartre de la cochonaille a refusé jadis sa première étoile au petit livre rouge pour croître en dehors des palaces selon sa fantaisie, et notre bon plaisir. Contre la gastronomie, le fooding à la française ne saurait rêver meilleur manifeste.

Crème de marron et céleri-rave pour commencer. Joli beige orangé. Onctueux, avec un bel équilibre entre le sucré des marrons et l'amertume du céleri. La recette, nous dit-on, évolue tous les jours. Ce soir-là, elle est agrémentée de perles de tapioca avec des morceaux de foie gras. On y trouve parfois aussi du radis noir à côté de l'émincé de marron.

A suivre : un boudin blanc maison, servi avec de la fleur de sel du Béarn et du chou presque cru. Le boudin est parfaitement cuit, un chouïa rosé. Purée au jus de viande. La cuisine comme on l'aime. Côté vin au verre, préférer le bordeaux - un Cotes de Francs - au Saumur Champigny, un peu trop acide. Un baba au rhum pour finir, accompagné d'un rhum vieux agricole de 1998. Texture briochée, une pointe de fermeté en plus. C'est sérieux.

Mais, un comptoir pouvant toujours en cacher un autre, la vraie trouvaille, c'est la réinvention du hors d'oeuvre à la française à L'avant-comptoir, la porte à côté en se dirigeant vers le Carrefour de l'Odéon. Et le génie, c'est d'avoir mis en devanture quelques paninis perdus qui dissuadent opportunément le touriste de s'aventurer dans ce bistro étroit. Un peu comme si le Baron Rouge alignait une rangée de hamburgers déconfits en terrasse le dimanche midi avant l'ouverture des hostilités.

Au menu, on trouve des salaisons bien sûr, celles de Camdeborde mais aussi celles de ces compères, Eric Ospital, Pierre Matayon, Pascal Fiori ou Eric Delgado, qui font de vrais sandwiches. Mais l'on y trouve surtout une série de tapas à la française qui permettent de reconquérir à délicieuses petites bouchées le terrain perdu sur l'Italie, l'Espagne et la Grèce, voire le Japon réunis (1).

Une boîte de pâté de la Grésigne sur une baguette qu'on croirait sortie tout droit du Boulanger de Monge et une poignée de piments padron (fleur de sel de Salies-de-Bearn) fera, façon pique-nique, une excellente attaque. On peut toutefois lui préférer d'emblée la brochette de foie gras et piquillos, ou encore les croquettes de jambon Ibaïona.

Le choix entre le demi-boudin blanc ou les macarons de boudin noir est impossible : il faut goûter les deux avant de tester le sandwiche au lard, le croque d'effilochée de queue de boeuf ou le saucisson chaud - on en passe et des meilleures. Les vins rouges au verre font merveille à petits prix : essayez donc le Pic Saint Loup en côteaux du Languedoc (Domaine Morties, 2008) ou même le Saint-Chinian, Les Terres Blanches (Domaine Vorie la Vitarelle, 2009). Un grand crû, on s'en doute, serait ici du plus parfait mauvais goût.

Les desserts du jour - le riz au lait au caramel ou la quenelle (la revoilà) de pommes chaudes au chocolat (ou aux marrons glacés) - sont justes, bien que superflus. Là-dessus, un expresso digne accompagne une addition modeste (de quinze à trente-cinq euros environ). Pour les amateurs de cuisine simple et inventive et, plus encore, pour les amoureux du Pays basque, c'est le Pérou, à portée de bus.

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(1) Est-ce une si bonne idée que cela d'emboîter gaiment le pas à ces pays à catastrophes ? L'Histoire le dira. Le moment venu, L'avant-comptoir fera, en tout état de cause, un abri anti-nucléaire parfait.