Magazine Culture
30 mars 2011 "Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples. Il s'accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards ; chacun fait sienne une histoire pour se rattacher à la foule qui la partage. On les conquiert en leur parlant de batailles, de rois, d'éléphants et d'êtres merveilleux ; en leur racontant le bonheur qu'il y aura au-delà de la mort, la lumière vive qui a présidé à leur naissance, les anges qui leur tournent autour, les démons qui les menacent, et l'amour, l'amour, cette promesse d'oubli et de satiété. Parle-leur de tout cela, et ils t 'aimeront ; ils feront de toi l'égal d'un dieu. Mais toi tu sauras, puisque tu es ici tout contre moi, toi le Franc malodorant que le hasard a amené sous mes mains, tu sauras que tout cela n'est qu'un voile parfumé cachant l'éternelle douleur de la nuit." Un roman à lire lentement, à déguster.On y découvre tout d'abord Constantinople la belle, la nébuleuse, la foisonnante, la vibrante, qui n'était pas encore devenue Istanbul, mais où déjà brillait de mille feux Sainte Sophie, au milieu de la cohue et de la crasse... On y fait la connaissance d'un certain Michelangelo Buonarotti qui a fuit Rome et le pape en répondant à une invitation du Sultan et débarque sur le sol byzantin en mai 1506.Le projet présenté par Leonardo da Vinci n' a pas plu et Michel Ange, car c'est bien de lui dont il s'agit, est heureux et fier de pouvoir damner le pion à son rival. Il doit concevoir un pont sur la Corne d'Or, la pointe de la ville, qui reliera les deux rives. La commande est urgente, il faut qu'il s'attèle à son travail. Mais l'homme est d'humeur variable, souvent désagréable, voire même carrément mal élevé. Il fait des caprices, se plaint dans de longues lettres à ses frères de ce qu'on ne le traite pas assez bien, il n'arrive pas à tomber totalement sous le charme de cette ville, malgré la présence patiente à ses cotés de Mesihi, qui lui sert d'interprète et de guide.Avec les deux hommes, nous parcourons la ville, découvrons Sainte Sophie, mais aussi les différents quartiers, les mosquées, les souks. Nous nous enfonçons dans la nuit byzantine, nous dansons, chantons et buvons, nous récitons des poèmes, et buvons encore, puis fumons... et regardons les femmes et les hommes, et surtout ce danseur étrange, ou bien est-ce une danseuse ? qui déstabilise tant Michel Ange, et qui ne quittera plus son esprit.Et puis, tout du long, entre rêve et réalité, cette voix qui lui parle, et dont on ne comprend qu'à la fin qui elle est...L'écriture de ce roman est superbe, raffinée, lumineuse, vibrante, et poétique tout à la fois. J'ai adoré me promener dans la ville, et y retrouver quelques souvenirs, odeurs, ambiance sonore, gardés précieusement d'un voyage fait il y a quelques années. Dommage que ce fameux pont n'ait pas résisté et qu'il n'existe plus... Ce pont que le Sultan voulait à tout prix, qui devait servir de lien entre l'Orient et l'Occident, entre les peuples différents et leurs religions... J'ai moins aimé Michelangelo, vraiment peu sympathique, mais dont le vilain caractère met cependant en valeur la profondeur - et aussi le mystère - de celui de Mesihi.Au final, un livre superbe, mais qui m'a laissé bizarrement comme un goût de trop peu, d'inachevé...Vous l'avez lu : Alex-Mot-à-Mots, Amanda Meyre, Dominique, Gaëlle, Karine, Manu, Midola, Pickwik, Praline, Sylvie, Voyelle et consonne... et beaucoup d'autres lecteurs répertoriés chez notre ami Bob.A lire, le superbe billet de Constance, du blog Petites lectures entre amis, une jeune blogueuse que je viens de découvrir. Elle a seulement 18 ans et déjà une plume magnifique, des avis d'une maturité étonnante, bref, si vous ne la connaissez pas encore, filez lui rendre une petite visite ! Livre voyageur de Griotte, que je remercie beaucoup du prêt. Catégorie Animaux et Métier Posté par liliba à 08:00 - J'ai lu, j'ai beaucoup aimé - Commentaires [19] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
Tags : art, Moyen Orient, Rentrée littéraire, voyage
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