Après avoir posté le family portrait consacré à mes potes, les réactions de ces derniers furent unanymes et lapidaires : "il manque Slyve". Slyve, c'est Sylvie, alias ma Môman. Ma mère est un personnage. Elle a beaucoup de tous petits défauts qui la rendent accessible, touchante, et proche des gens. C'est son imperfection qui la magnifie.
Elle a ouvert quand j'avais 12 ans un dépôt-vente de fringues haut-de-gamme, dans lequel les clientes se rendent plus pour "la patronne" comme elles l'appellent, que pour les vêtements. Maman connaît toute leur vie, et inversement. Quant à moi, j'adore aller lui filer un coup de main parce que d'une part, je n'ai pas vraiment l'impression de travailler mais de jouer à la marchande avec des copines et d'autre part, parce que je repars toujours avec quelque chose. Dernier exemple en date ? Hier, j'ai remplacé la matriarche et j'en ai profité pour faire mes emplettes (une très jolie pochette Céline vintage). Maman est contente quand je viens l'aider parce qu'on papote, qu'elle peut téléphoner à ses copines pendant que je bosse, et que les clientes disent toutes "C'est votre fille, Sylvie? Vous vous ressemblez tellement!" . Pour de vrai, je ressemble comme deux gouttes d'eau à mon père, et quand quelqu'un a le malheur d'en faire la réflexion devant ma mère (qui est folle amoureuse de mon papa, après 34 ans de mariage, je trouve ça assez joli pour le mentionner), cette dernière, un peu énervée "parce que c'est quand même moi qui ait souffert pour te mettre au monde, merde, c'est pas ton père qui s'est tapé tout le boulot", rétorque laconiquement "Vous trouvez ? Pauvre enfant...".
Mes amis s'entendent très très bien avec Maman. Parce qu'elle les fait beaucoup rire. Elle sait très bien faire la fausse ingénue, et a un sens de l'humour décapant. Ainsi, ma mère fait énormément de lapsus. A l'époque où tout le monde parlait du néo-féminisme, elle a ainsi placé dans une conversation :"Les chiennes de garde ont été remplacées par Ni putes ni salopes"... De même elle confondra le poppers et le pampers. Je me souviendrai toujours d'un de mes anniversaires, où elle voulait dire à un ami que mon Papa avait changé d'avis, et qu'au lieu de retourner sa veste, il avait "viré sa cutie". Mon ami, dont c'était la première rencontre avec ma mère, fut pour le moins étonné des moeurs de mes parents... Enfin, elle nous narre à chaque réunion de famille son expérience de vendeuse chez un concessionnaire automobile de luxe, et sa volonté de montrer au client potentiel qu'elle maitrisait le vocabulaire idoine, ce qui fut également la raison de la fin prématurée de sa carrière dans le métier : " notre technicien vient juste de sodomiser (cimoniser) la voiture, regardez comme elle brille".
Autre caractéristique que je ne peux passer sous silence : Ma mère et la haute technologie. Maman a fait l'impasse sur la Game Boy, autrement dit la machine à carte bleue dans son commerce jusqu'à il y a à peu près deux ans, prétextant les frais bancaires et plusieurs autres excuses, mais en réalité, tout appareil électronique autre que la télé et la radio lui fait peur. Elle a finalement dû s'y résoudre, mais nous avons été obligés de nous y mettre à plusieurs pour la faire fléchir. De même, j'ai entrepris de l'initier au world wide web il y a peu. C'est probablement la tâche la plus difficile qu'il m'ait été donné de réaliser après mon concours d'entrée à l'école d'avocats (que j'ai foiré). Ainsi, quand je lui dis, "avec ta souris, tu montes jusqu'à la barre d'outils", maman lève sa souris. Physiquement. C'est-à-dire qu'elle prend la souris, et qu'elle la soulève du tapis. Autre exemple : récemment, ma mère m'a donné l'adresse email d'un contact pour piger dans un magazine. L'arobase était une jolie clef de sol.
Cependant, je persiste à dire qu'il s'agit de mauvaise volonté de sa part. Car elle est tout de même parvenue à installer comme une grande, sans l'aide de personne, l'application "Secret Story" sur son téléphone (à l'époque, elle était fan de Secret Story, allez comprendre... Elle me téléphonait pour m'informer des derniers coups de théâtre dans la maison, même si perso, je ne savais pas qui était Benoît, ou Senna, ou Amélie).
Last but not least... Maman et la cuisine. Maman n'a pas été élevée dans une grande tradition culinaire, ma grand-mère ne savait pas faire cuire les pâtes. Je t'accorde donc, Mam, de grandes circonstances atténuantes. Mais je dois avouer que j'ai connu toute ma jeunesse les raviolis en boîte, que lorsque nous faisions des gâteaux pour accueillir mon Papa qui rentrait de déplacement, il s'agissait de flans Alsa, et qu'encore aujourd'hui, quand je dîne chez les parents, la purée Mousseline est légion ("mais attention ! C'est de la purée Mousseline A L'ANCIENNE ma fille !"). Maman me fait rire. Quand je lui explique vite fait comment faire une tarte ou une quiche, elle me rappelle 5 ou 6 fois pour être certaine de ne pas se planter. La cuisine l'angoisse. Alors la fierté de réussir une tarte aux courgettes et chèvre est telle que Mam va refaire cette dernière à mon père pendant 3 semaines, voire un mois.
Cela étant Mamoune, je me réjouis de venir déjeuner demain pour ta fameuse knacki-purée, et je t'embrasse fort. Ta Grande.