LE PRINTEMPS : Soldes Suprêmes (de dindes)

Par Lilionceuponatime

Nous avons toutes vécu cette première journée de soldes, mêlée d'excitation, de stress, et de souffrance morale (et physique parfois, si l'on en vient aux mains) lorsque la pièce convoitée nous est passée sous le nez. Mais vous êtes vous déjà demandée le calvaire que pouvait être cette journée pour un vendeur? J'ai donc pris l'initiative de laisser "la plume" à un vendeur du Printemps, qui nous livre ses impressions heure par heure ! Je vous invite à passer de l'autre côté du miroir...

"M'sieur, c'est quand la troisième démarque?". Mercredi matin, il est 8h04. Aucun doute, c'est le premier jour des soldes au Printemps et, ça tombe mal, j'y travaille.
Quelques minutes avant l'ouverture, chaque vendeur reçoit un brief' doctrinal, du café et des croissants. J'entame donc la journée avec le sourire en prenant bien soin de ne pas remarquer la foule de fashionistas agglutinée aux vitres fraîchement lavées du grand magasin.
8h00: Le temple dédié à la déesse Consommation ouvre ses portes; un flot, un torrent, que dis-je, un center parc hystérique s'y déverse. A cet instant, je pense, envieux, à Moise, sauvé des eaux.
La fashion-victim se parfume et aime que cela se sache. A l'instar de certains animaux sauvages, il doit s'agir d'une technique d'autodéfense. En effet, même si plusieurs mètres me séparent toujours de cette horde assoiffée de rabais, me voilà complètement shooté.
Je tente de me reprendre, trop tard, je suis fini: Quatre harpies m'encerclent déjà : "Où est le stand Burberry?" "Avec la carte Printemps on a quoi de plus?" "Les toilettes s'il vous plait?" "Et l'escalator? Il est mal foutu ce magasin!"... Alors que j'essaie de ne pas perdre pied en me raccrochant aux couleurs du carré Hermès de l'une d'entre elles, mes agresseurs prennent la fuite. Je n'ai pas répondu suffisamment vite. En ce sacro-saint premier jour de soldes, la modeuse pratiquante n'a qu'un dogme: «NE PAS PERDRE DE TEMPS»
Midi: Pause déjeuner? Ah, non.
16h00: Pause déjeuner. Il ne faut pas s'alourdir. Une salade, pas de Big Mac, non! Les conversations vont bon train autour de moi "40% chez Sandro?! Arrête! J'y cours!" Quel dépaysement. Par fierté, j'ai gardé mon badge. Aujourd'hui, il me rend plus respectable que celui d'un chirurgien.
16h30: "Ca fait vingt minutes que je vous attends! C'est inadmissible! Vous auriez pu prévoir un sandwich dans une réserve!" (respire, respire...)
19h30: «Bon, okay, c'est le premier jour donc la troisième démarque ne commence pas tout de suite, j'ai bien compris. Mais, du coup, vous pourriez peut-être me faire -70% sur tout ce que j'ai pris, non?". C'est là , à cet instant précis, que le conseiller de vente perd définitivement son flegme (aussi ancré et/ou britannique soit-il). Lorsqu'il comprend, enfin, qu'il vient de signer pour quatre semaines d'un long safari durant lequel la bête à abattre, c'est lui.
20h00: La Voix Divine: «Voootre attention s'il vous plait, il est 20h, nous informons notre clientèle que le magasin ferme ses portes. Nous vous souhaitons, ainsi qu'à l'ensemble du personnel, une excellente soirée et nous vous donnons rendez-vous demain, dès 9h30. Bonsoir.» Encore quinze clientes en caisse. No comment.