Pour ma part, j'ai (pour le moment) un tatouage. Un seul. Que j'ai fait faire dans des circonstances bien particulières et qui porte une forte symbolique intrinsèque (j'emploie ici des mots bien compliqués pour vous faire comprendre la puissance de mon propos). Explication : Je suis allée rendre visite à mes cousins à l'autre bout du monde (i.e. Tahiti, Polynésie Française, Monde, Univers) en 2009. Il s'agit d'un voyage que l'on ne fait qu'une fois dans une vie, et cette dernière prenait à l'époque un virage à angle droit (je m'apprêtais à plaquer mon job, ma carrière bien tracée et bien rémunératrice de fiscaliste - voir mon premier post, "présentations officielles"). Il fallait marquer le coup. Le tatouage s'imposait. J'ai ainsi 5 étoiles dans le bas du dos qui représentent mes parents, ma petite soeur et ma grand-mère. Cette vidéo prouve que je fais face à la douleur avec une dignité hors du commun (le petit garçon que vous voyez est mon petit cousin Milo, qui prend très au sérieux la mission que je lui ai confiée, à savoir vérifier qu'on ne me tatoue pas la tête de Marilyn Manson dans le dos).
Lorsque je suis revenue en France, j'ai montré ledit tatouage à ma mère. Réaction à chaud : "Ma fille, heureusement que je ne serai plus là pour te voir quand t'auras 80 balais avec tes étoiles sur le cul". Puis je lui ai expliqué la symbolique de la chose. Et là, direct, la sorcière devient Blanche-Neige, se met à pleurer (Maman a parfois des réactions extrêmes quand il s'agit de sa famille) et me dit : "Oh mais Lili, c'est tellement beau ce que tu as fait, tu nous as toujours avec toi sur les fesses!" (en réalité c'est le dos, mais passons). Régulièrement, quand je passe voir mes parents, Mam baisse mon jean, regarde mon tatouage, et dit : "Bonjour ma ptite Maman !" (Sans commentaire).
Et puis voilà. Six mois après mon retour en France, l'idée d'un second tatouage s'insinue sournoisement. D'emblée, ma bonne conscience la rejette en bloc. Mais de mois en mois, elle germe, pousse, et devient un baobab obsédant. Je dois me rendre à l'évidence : IL ME FAUT UN DEUXIEME TATOUAGE (quand je vous parlais d'addiction). J'ai finalement balayé toute rationalité, en mode "Vas-y, on n'a qu'une vie / Je suis une artiste dans l'âme / Mon corps m'appartient / My body wants to scream / Je me tatoue, donc je suis" (je vous rappelle à titre informatif que j'ai 31 ans, et que l'excuse de la crise d'adolescence est donc tout à fait exclue).
Je me suis donc rendue dans un "salon de tatouage" avec un ami. Quand je vous dis "salon de tatouage", vous pensez boudoir, vous pensez glamour, vous pensez scones et thé au jasmin ? Non ? Et bien moi oui. Mal m'en a pris. Je suis arrivée dans une espèce de cave, tapissée de photographies diverses et variées des oeuvres de l'artiste. Exemples choisis : - Des animaux (réels et imaginaires) : bergers allemands, chiens-loups, chats, licornes, centaures, elfes, etc.- Des calligraphies : Francis for ever, J'aime mon Papa, etc.- Des symboles bouddhistes, des tribaux, des images gothiques (têtes de mort, Belzébuth, 666...) et beaucoup, beaucoup de Johnny (jeune, vieux, avec micro, sans micro, on stage, sur une moto, à l'hôpital (ok, pas à l'hôpital, mais ça aurait pu)).
J'explique ce que je veux au jeune homme qui se trouve à l'accueil (cheveux longs, 8 piercings si j'ai bien compté mais il doit y en avoir beaucoup d'autres, tee-shirt "I love Hardcore"), c'est-à-dire une petite calligraphie très très discrète sur le poignet (My body wants to scream, but not too loud). Je m'entends répondre que "c'est pas possible, ça va baver hein, ou alors il faut au moins 5 cms de large. Hein ouais Christelle ?" Et Christelle d'acquiecer. Je me dirige alors par dépit vers la même inscription dans le haut du dos, toujours aussi discrète. Kurt Cobain me demande alors de patienter et passe derrière un rideau où se trouve l'artiste en plein travail, à qui il demande des précisions sur ma requête. L'isolation phonique du rideau n'étant pas le top, je peux vous relater la réponse du Maître : "Ah ouais bah dans le dos c'est possible ça c'est sûr, mais pour avoir un bon rendu franchement faudra prendre toute la largeur du dos parce que si c'est pour avoir des pattes de mouche, moi je travaille pas comme ça hein".
Je n'ai pas attendu qu'Iggy Pop repasse le rideau. J'ai regardé mon pote et j'ai hurlé en silence. Il m'a pris par le bras et nous avons couru loin, le plus loin possible des elfes, licornes et autres Johnny. Cependant, je dois vous avouer que je me suis rendue par la suite dans un autre salon de tatouage, que son propriétaire a fait les beaux-arts et qu'en plus il est SUPER-CANON. J'ai rendez-vous le 6 mars.
Une petite dédicace à Sophie, Henri, Basile, Tabatha et Milo...