Nicolas Sarkozy a séché le sommet de Londres, organisé par David Cameron avec une quarantaine de chefs d'Etat ou leurs représentants, à propos de la situation en Libye. Pas question de quitter la Sarkofrance. Copé et Fillon s'écharpent. Une majorité de parlementaires doute de l'efficacité du Monarque. L'heure était grave. Surtout, Nicolas Sarkozy devait recevoir les ténors de l'UMP à l'Elysée pour une rencontre électorale plus importante que tout. Qui a dit que le printemps arabe était cet évènement incroyable qui méritait toutes les attentions, y compris un remaniement gouvernemental en février dernier ?
Absent du Sommet de Londres
Voici 10 jours, le premier ministre britannique avait pourtant assisté au sommet de Paris, qui déclencha l'intervention occidentale en Libye. Le président français avait donc décidé de ne pas lui retourner la politesse. Son absence est curieuse et troublante. Depuis 3 semaines, le Monarque s'est placé en première ligne sur l'affaire libyenne. il fut le premier à reconnaître le Conseil national de transition libyenne dès le 10 mars, suivant les conseils du philosophe Bernard-Henri Lévy. La France insista pour une intervention armée en Libye, a minima aérienne. Vendredi 18 mars, les médias (français) unanimes célébraient la force de persuasion d'Alain Juppé, qui avaient permis d'emporter la décision du Conseil de Sécurité la veille. Ce samedi 19 mars, Nicolas Sarkozy jouait enfin au chef de guerre.
Lundi 28, alors que l'UMP se déchirait sur la débâcle électorale cantonale, Nicolas Sarkozy co-signait une grande et étrange déclaration en préparation du sommet londonien. Le soir, on apprenait qu'il s'était entretenu en visio-conférence avec Obama, Cameron et Merkel. Mais motus et bouche cousue sur le contenu de cet échange. On eut droit à des photogtraphies, publiées sur le site de l'Elysée. Il faut mettre en scène le Monarque quand il travaille...
Puis, ce mardi... rien. Sarkozy sèche. Il laisse Laurent Wauquiez, son jeune ministre des affaires européennes, et Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, se débrouiller tous seuls.
Lors du sommet, tous les participants tombèrent d'accord pour exiger le départ de Kadhafi. Mais, a expliqué le conciliant ministre italien des affaires étrangères, « pour le reste, ça dépend du pays qui peut-être va proposer d'accueillir Kadhafi.» Ce serviteur de Berlusconi, autre vrai proche du colonel, ajouta : « Il doit être obligé à l'exil, ce n'est pas une concession qu'on va lui faire, c'est une obligation. Il doit comprendre à la fin que franchement, il n'a pas d'autres options, si on trouve un pays prêt à l'accepter.»
En Libye, le colonel sanguinaire a repris la main, après trois jours de repli face à une offensive des révolutionnaires libyens. Ces derniers manquent d'armes. La résolution onusienne empêche tout soutien logistique aux insurgés. Sarkozy, en France, répète qu'il ne respectera les consignes onusiennes, toutes les consignes onusiennes, que les consignes onusiennes. En fait, il faudrait quand même se débarrasser du dictateur libyen, l'ancien ami de Sarkofrance, futur client de nos armements et centrales nucléaires. Juppé, à Londres, confirma que la Sarkofrance était prête à livrer des armes aux opposants anti-Kadhafi : « nous sommes prêts à en discuter avec nos partenaires. »
A Londres, les participants décidèrent de constituer un « Groupe de contact » politique sur la Libye, à présidence tournante. Il faut faire oublier que l'OTAN est désormais en charge des opérations militaires. Une prochaine réunion aura lieu au Qatar. Pourtant, l'Union africaine n'avait envoyé personne. Et la Ligue arabe, réticente dès les premières heures de l'intervention occidentale, n'avait envoyé qu'un simple ambassadeur.
Présent au Sommet de l'UMP
Les mauvaises langues diront que le Monarque avait fort à faire à Paris. L'UMP est en ébullition. Lundi soir, Jean-François Copé a accusé François Fillon de ne pas jouer suffisamment collectif. Bisbilles au sommet de l'Etat-UMP ! Le secrétaire général du Parti attaque le premier ministre ! Cette dispute de deux marionnettes sarkozystes prête à sourire. Les deux rivaux pensent à 2017.
Mardi matin, juste avant de recevoir les dirigeants de l'UMP, Nicolas Sarkozy avait convoqué Fillon et Copé dans son bureau, à 8 heures, pour une explication de texte. Un petit déjeuner à trois qui s'annonçait explosif. Une demi-heure plus tard, les trois retrouvaient quelques ténors de l'UMP. Le candidat Sarkozy confond l'Elysée avec un bureau de campagne. « Sarko a été impeccable. » a confié Copé en sortant. Pourtant, le cessez-le-feu semblait aussi fragile qu'à Benghazi. Le Monarque Nicolas avait à peine fini son introduction, que Copé répéta « ce qu’il avait dit la veille, maintenu ses critiques et assuré qu’il ne les redirait pas. » Fillon répliqua qu'il « n’est pas possible d’exposer ses différends avec le Premier ministre ainsi à la télévision.»
Copé, si soupçonné d'espérer secrètement l'échec de la candidature Sarkozy en 2012 pour préserver ses propres chances en 2017, surjoue sa fidélité au Monarque. Fillon, potentiel recours si Sarkozy sombrait avant l'ouverture de la campagne officielle, a une identité à défendre, malmenée depuis 2007.
Ces péripéties de l'UMP sont sans conteste sans importance eu égard à l'actualité du monde « réel.» Même sur le terrain international, le Monarque élyséen, trop occupé à s'activer comme candidat à sa succession, en a oublié les autres troubles du monde. Ainsi en Côte d'Ivoire, le président contesté Gbagbo s'accroche à son poste, 4 mois après sa réélection dénoncée par la communauté internationale. Le pays a plongé depuis dans la guerre civile. En Sarkofrance, on s'en fiche.
Qui parlera donc des vrais sujets ? Du vrai bilan ? Même la gauche semble tétanisée et amusée par ses disputes d'appareils sarkozyens. Mardi, il fallait lire le compte-rendu enthousiaste du Figaro sur les « ruptures conventionnelles » de contrat de travail. A fin janvier 2011, le cap des 500.000 depuis l'entrée en vigueur du dispositif était quasiment franchi : « Après trente mois d'existence, le succès de ces séparations à l'amiable, introduites dans le Code du travail en août 2008 suite à un accord entre les partenaires sociaux (à l'exception de la CGT), ne se dément donc pas.» Xavier Bertrand, le ministre du Travail, est ravi. Ces séparations à l'amiable homologuées par l'administration représentent désormais 11 % des motifs de rupture de CDI.
Le nombre de ces divorces à l'amiable a-t-il baissé de 17% en janvier 2011 versus décembre 2010 ? Ne vous inquiétez pas ! « Il n'y a aucune raison de s'inquiéter », a confirmé un conseiller du ministre au Figaro. « On est toujours sur une montée en puissance du dispositif, selon une saisonnalité identique à celle des années précédentes.» Ouf ! On est rassuré ! En période de crise, la nouvelle est pourtant terrifiante. Et le Figaro reconnaît des abus : « les séparations à l'amiable semblent être utilisées par certaines entreprises comme un système de préretraite collectif financé par l'Unedic. » Pour preuve, un chômeur sur cinq qui entre à Pôle emploi suite à une rupture conventionnelle a plus de 50 ans, et surtout plus de 58 ans... Bref, le dispositif sert de pré-retraites déguisés... Depuis 2003, le nombre de pré-retraites financées par l'Etat a fondu (30.000 en 2003, moins de 8.000 actuellement).
Autre thème du moment, l'avenir nucléaire du pays. Nicolas Sarkozy fera un crochet par le Japon, vendredi, lors de son périple en Chine. En France, sa ministre de l'Ecologie Kosciusko-Morizet ne fit que répéter qu'un « audit des installations nucléaires » aurait lieu ... d'ici la fin de l'année. Chaque jour, la catastrophe de Fukushima rappelle le caractère irrémédiable des dégats atomiques.
Ami sarkozyste, où es-tu ?
Chômage, précarité, santé, environnement, les sujets ne manquent pourtant pas. Mais le candidat Sarkozy reste tout occupé à sa propre survie.