Quand on est à la retraite on a plus de temps pour penser et donc penser à soi. Ca effraie car on n’a pas l’habitude, le travail et la vie de tous les jours nous en préservaient jusque là. Pris dans le tourbillon de la vie active, on pare au plus pressé, on focalise sur les problèmes qui ne manquent jamais de jaillir sous nos pas, on gère tous ces petits riens qui occupent les trous de nos emplois du temps et l’on se couche le soir, épuisé mais ravi d’avoir réglé son compte à une journée de plus. Le lendemain on recommence, sans cesse. Le temps passe, chaque seconde occupe l’esprit et le détourne de ses pensées intimes, écran de fumée dissimulant l’essentiel.
L’heure d’un bilan intermédiaire est venue. Ici pas de plan comptable ou de règles de gestion normalisées, chacun tient les comptes de sa boutique, à son idée. Le débit, le crédit et le solde valideront les investissements passés. Aligner les aspects positifs d’une existence déjà bien entamée n’est pas trop difficile, ça devient plus complexe quand on dresse la liste des points négatifs. On peut être tenté d’en mettre trop, pourtant il est des échecs qui sur la durée se métamorphosent en faits positifs, des actions manquées qu’en leur temps on a regrettées mais qui s’avérèrent d’heureux concours de circonstances sur le long terme, trier le bon grain de l’ivraie n’est pas une mince affaire.
Et puis il faut aussi ménager sa propre susceptibilité, c'est-à-dire truquer un peu le bilan pour que le solde ne soit pas négatif, à mon âge le montant des agios serait prohibitif. Il faut que les comptes soient à peu près correctement faits, que le résultat ne soit ni trop excédentaire pour qu’il soit crédible à mes propres yeux, ni surtout déficitaire pour ne pas me donner l’envie de sauter par la fenêtre ! Un boulot d’expert-comptable sachant manier le droit, la règle et les faits, tout en ayant recours si nécessaire, aux subtilités de la conscience, aux astuces de l’inconscient, pour qu’in fine la balance affiche un résultat encourageant afin que la boutique poursuive son activité jusqu’à une prochaine échéance.
Les bons comptes font les bons amis dit une rumeur populaire, je m’y plie bien volontiers, poursuivant mon heureux petit bonhomme de chemin. Le bonheur c’est se contenter de n’être pas malheureux, parfois.