Jules Renard (1864-1910) a tenu son journal très régulièrement pendant les 22 dernières années de sa vie de 1887 à 1910. Il est mort à 46 ans.
Il m’est difficile, voire impossible, de lire ce gros volume au jour le jour, comme s’il s’agissait d’un roman alors je picore de temps en temps ici et là et je l’oublie le plus souvent sur son étagère. C’est pourquoi, à l’occasion d’un rangement, je l’ ai ressorti pour ne lire que ses notes anniversaires des débuts de printemps, écrites chaque fin du mois de mars. En voici quelques-unes..
31 mars 1890
Défiez-vous des sceptiques à outrance : ils sont capables de juger bien sévèrement vos moindres actions30 mars 1891
C’est tout de même drôle que je ne puisse pas lire sans bâiller deux pages de Thackeray, dont j’ai l’humour, paraît-il.1er avril 1891:
Renoncer absolument aux phrases longues, qu’on devine plutôt qu’on ne les lit.13 mai 14892
Ne jamais rien faire comme les autres en art ; en morale faire comme tout le monde.29 mars 1894
Notre amitié ne pouvait pas durer : nous nous sommes trop vidés l’un l’autre.31 mars 1896:
Hier soir, dîner de « La Nouvelle Revue »._ Georges Hugo,le masque et la carrure de son grand-père. Débute dans la littérature aujourd’hui même par les « Récits d’un matelot ». On pourrait remplir un petit volume de toutes les banalités que fera dire ce début.29 mars 1897 :
Oui, oui ! Elles est si bonne ! Et c’est pour faire croire qu’elle a le cœur sur les lèvres qu’elle se met du rouge.29 mars 1898 :
Dîner chez Capus ; Décidément, Guitry est un homme à part. Il a une façon discrète de charmer. Il raconte ses histoires en ayant l’air de s’excuser de les raconter encore.27 mars 1899 :
A la Gloriette. Les oiseaux semblent coudre les uns aux autres, avec le fil de leur vol, tous les arbres du bois.29 mars 1904 :
La Gloriette. Premières fleurs .La primevère des jardins qui s’ouvre en jaune et s’achève en rose.1er avril 1907 :
Boutons. Des fleurs aux ailes collées. Toute la nature a la rougeole.
La branche : un doigt qui se tend aux oiseaux.
Mme Zola veut entrer au Panthéon comme Mme Berthelot. Elle est allée trouver Picquart. Elle a dit : »Emile n’y entrera pas sans moi. »8 avril 1907 :
J’ai une mémoire admirable: j’oublie tout! C’est d’un commode !...C’st comme si le monde se renouvelait pour moi à chaque instant ! »Jules Renard, Journal (1887-1910), Bouquins, Robert Laffont, 1990, édition présentée et annotée par Henry Bouillier,professeur à la Sorbonne. ,novembre 2000, (999p. + Index)