Gaston Couté est mort il y a cent ans. Au début d’un siècle dont il a peut-être pressenti les soubresauts. Ses textes portent encore une certaine actualité, évoquant l’écart entre riches et pauvres, fustigeant les propriétaires, appelant à refuser d’aller à la guerre…
Cent ans, c’est l’occasion des hommages, des commémorations. Je ne suis pas sûr qu’il aurait aimé ça, ce chemineau, cet homme sur les chemins, attiré par la ville et par « l’ogresse qu’est la vie », et mort à Paris à 31 ans, terrassé par la phtisie galopante, les privations et l’alcool, et enterré à Meung-sur-Loire.
La Compagnie Chauffe-Brûle propose un spectacle où alternent textes dits à plusieurs voix et chansons. Gaston Couté écrivait comme il parlait, dans le patois de sa région d’origine, rimant comme ça se faisait à cette époque, et les comédiens qui interprètent ses textes leur donnent vie. Autour d’une table, d’un coup à boire, au milieu des champs où sèchent les draps, sur les chemins, « les mauvais senquiers ». Un homme est là, Michel Desproges, avec sa guitare, et chante et ponctue les récits du poète.
Pour beaucoup, ce sera une découverte, et c’est bien. Pour moi, je ne sais pas quelle part de nostalgie a joué dans ma réception de ce spectacle. J’y ai découvert des affinités entre Gaston Couté et Jehan Rictus, et j’ai cherché les musiques de Meulien, et dans mes souvenirs l’interprétation de Gérard Pierron.
Lire à voix haute ces vers, car la poésie de Gaston Couté est faite pour la voix :
(…)
Les gros, les grands !... Si c’est à vous,
Ecus sonnants et bonne terre,
Les gros, les grands !... Si c’est à vous,
Vous les gardez pour vous !
Mais nos vingt ans, ils sont à nous
Et c’est notre seul bien sur terre ;
Mais nos vingt ans, ils sont à nous,
Nous les gardons pour nous !
Notre bonheur n’est pas jaloux
Du bonheur de ceux qui disent : « Je t’aime »
Dans un autre patois que nous.
Nous ne voulons pas troubler leur poème.
Et fiers d’épeler à présent
Dans un livre plein de douces paroles,
Pour apprendre à verser du sang
Nous ne voulons pas aller à l’école.
(…)