Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. Le délitement de l’UMP fait le bonheur très relatif du PS. En déclarant dimanche que, “ce soir, tout commence” Martine Aubry a donné le départ officiel de la course aux présidentielles. Une vraie course mais un faux départ. Car, si “tout le monde a le droit d’être candidat“, l’unité doit prévaloir prévient la Première secrétaire qui doucement mais sûrement avance ses pions. La taulière de la rue de Solférino entend bien verrouiller le dispositif pour DSK ou pour elle-même. Quitte à tout faire pour rendre inaudible l’entrée imminente de François Hollande dans la compétition.
La lutte fratricide entre les ténors socialistes occulte l’essentiel. Le fossé entre les Français et leurs dirigeants politiques ne cesse de se creuser. Dans l’éditorial du Monde du 28 mars, Erik Izraelewicz rappelle que “lors de la campagne de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy avait diagnostiqué avec pertinence le danger pour la démocratie de ce divorce entre les citoyens et leurs élus. Il avait compris que, pour rétablir le lien, il fallait que les politiques parlent un langage de vérité, qu’ils s’attaquent aux vrais problèmes, qu’ils cessent de provoquer des débats inutiles ou d’exacerber de grandes peurs”.
Le caillou est aujourd’hui dans le jardin socialiste.
Là où il faudrait une refondation complète de la république, la maire de Lille en est encore aux rustines des années 90. Les 300 000 postes “emplois d’avenir” proposés renvoient immanquablement aux souvenirs des emplois-jeunes. Le rafistolage proposé même porté par de bonnes intentions ne répond pas aux défis du moment et témoigne de la sclérose intellectuelle de la machine socialiste passée maître dans l’art d’éviter les questions délicates.
Emmanuel Todd estime que “les classes dirigeantes au sens le plus large, incluant les responsables de l’UMP et les dirigeants socialistes, ont été les défenseurs acharnés de deux options dont tout le monde sait aujourd’hui qu’elles sont obsolètes : le libre-échange et l’euro”. “Une double erreur historique des élites concernant l’euro et le libre-échange” qui explique selon lui la montée du Front national dans les classes populaires.
Ce faisant Todd rejoint l’analyse de Jean-Paul Delevoye quand celui-ci estime que le vrai clivage se situe entre ceux qui bénéficient de la mondialisation et ceux qui la subissent. Quelle que soit la réponse finale, la gauche ne doit pas éviter de mettre ce sujet sur la table. “La bonne démocratie fonctionne quand une partie importante des élites prend en charge les intérêts économiques et moraux de l’ensemble de la population” met en garde Emmanuel Todd.
A cet égard DSK avec sa casquette de patron du FMI part avec un lourd handicap. Investir l’homme de Washington c’est quelque part avaliser une mondialisation qui broie les plus faibles. C’est surtout donner du grain à moudre au FN qui n’a de cesse de clamer que gauche et droite c’est blanc bonnet et bonnet blanc.
François Hollande a l’avantage d’être le mieux placé pour faire la synthèse à gauche. Il apparaît toutefois prisonnier d’une construction européenne qu’il a cautionné comme chef du PS pendant onze ans.
Brillant, travailleur, le président du conseil général de Corrèze doit désormais prouver qu’il est capable de passer du consensus mou à la « rupture tranquille », de prendre une dimension nouvelle en enfilant les habits de candidat officiel. Ce sera là sans aucun doute la clé de sa réussite ou de son échec dans sa quête du graal présidentiel.
Il ne suffira pas en effet au député de Corrèze d’être le chouchou des médias et des diners parisiens par un discours courageux et novateur sur la fiscalité. Il lui faudra trouver les mots pour renouer les élites avec le peuple. Pour devenir le messager des sans voix et non le porte-parole des élites. Dans cet exercice périlleux mais nécessaire, François Hollande pourra compter sur ses réels talents d’orateur en prenant garde toutefois de ne pas retomber dans son vieux travers d’une causticité qui finit par être contreproductive.
Les temps ont changé. Les Français exaspérés par le bling bling et les passe-droits attendent de la classe politique un minimum d’éthique et d’exemplarité. Il semblerait que François Hollande ait entendu le message.
Le 23 mars dernier, Philippe-Xavier Bonnefoy, secrétaire national à la vie des fédérations et aux élections, proche de François Hollande, est le seul à s’être élevé (avec le soutien de Delphine Mérargue) en Bureau national contre l’autorisation donnée à Jean-Noël Guérini d’organiser le scrutin, prévu le mardi 29 mars pour désigner le candidat à la présidence du conseil général.
La question n’est pas neutre car le président du conseil général des Bouches-du-Rhône seul candidat à sa propre succession cumule, en violation des statuts du PS et dans un clientélisme omniprésent, la direction de la fédération socialiste et du département.
Philippe-Xavier Bonnefoy a estimé que, “du point de vue des statuts comme de l’éthique”, il ne lui semblait pas possible que “dans un département, un responsable fédéral organise un vote pour sa propre candidature” et demandé au bureau, pour la troisième fois depuis que la famille Guérini est sous les projecteurs judiciaires que le premier fédéral démissionne de son poste avant le scrutin.
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