Open data : la guerre des mondes

Publié le 29 mars 2011 par Choblab

Le mouvement de libération des données publiques (open data) donne parfois l’impression d’assister à la guerre des mondes. A ma gauche, les défenseurs du mouvement : s’ils saluent parfois les initiatives menées par quelques administrations ou collectivités locales, ils sont souvent rapides à dégainer pour dire que ce n’est pas assez, que les formats ne sont pas les bons, et puis que font les autres ? A ma droite, les services publics : ignorant ou sous-estimant le phénomène, ils semblent dépassés par les enjeux juridiques, économiques ou politiques. Les risques liés à l’open data sont réels, il ne faut ni les ignorer ni sans servir de prétexte pour ne pas agir. En fait, le principal problème de l’open data, c’est probablement la méconnaissance mutuelle des acteurs concernés.

Les réalités du monde public

Commençons par une évidence souvent oubliée par les activistes de l’open data: les ministères ou les collectivités locales ne sont pas conçus ni organisés pour mettre à disposition des données brutes et dans un format exploitables par des développeurs. Ce n’est tout simplement pas leur mission première. Mais la mise à disposition des données publiques est une obligation légale, me direz-vous. Et le ya qu’à faut qu’on de suivre. Ils n’ont qu’à s’organiser, trouver des ressources humaines et financières, c’est mes impôts après tout…

Dans la réalité, les services publics font face à des coupes budgétaires drastiques, qui leur imposent de se concentrer sur le métier de base (leur core business dirait-on en enterprise). Dans ces conditions, il faut des circonstances exceptionnelles pour qu’une collectivité puisse mettre en oeuvre une vraie politique d’open data : la convergence d’une volonté politique et de ressources humaines compétentes. En France, seules quelques villes et collectivités territoriales ont lancé de vraies initiatives dans ce domaine. Rennes Métropole a été le précurseur parce que l’innovation est une démarche ancrée dans le territoire breton. Paris, Nantes, Montpellier ou Bordeaux ont suivi ou annoncé leurs intentions.

Les utopies du monde « libre» 

Il faut bien admettre qu’il s’agit d’un monde assez diffus, pour ne pas dire confidentiel, aussi bien pour le grand public que l’administration. Et c’est bien là que le bât blesse. Le monde public peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’ouvrir les données s’il ignore qui peut les exploiter. On peut citer quelques collectifs comme Regards citoyens, LiberTic et la Fing, qui font un travail fantastique de sensibilisation sur le sujet, soutenu par des médias comme Owni ou Data News. Il manque tout de même une organisation plus structurée qui garantisse aux pouvoirs publics un retour sur investissement. Je ne parle pas d’un ROI économique mais d’un ROI d’intérêt général : assurer que les données mises à disposition puissent effectivement donner lieu à des applications utiles pour les citoyens. En d’autres termes, l’offre ne pourra se développer que si la demande est mieux connue.

Peut-être manque-t-il un maillon pour faire le lien entre les 2 mondes, pour qu’ils puissent mieux se connaître et se comprendre ? Comme souvent, c’est le manque de dialogue et la méconnaissance de l’autre qui bloque l’innovation.

Des raisons d’être optimiste ?

Même s’il s’agit de problématiques différentes, on peut faire un parallèle entre l’open data et l’accessibilité des sites Internet. L’accessibilité est un sujet plus facile à traiter : la responsabilité hiérarchique impliquée dans la décision est moins élevée. Il suffit parfois que le responsable Internet l’impose dans le cahier des charges et le tour est joué… La similitude tient plus à la manière dont l’accessibilité s’est imposée, au delà de l’obligation légale. Il a fallu du temps et de l’énergie aux associations, mais elles ont fini par réussir à faire de l’accessibilité un enjeu important pour les administrations et les collectivités. Là encore, les résultats sont insuffisants comme en témoigne la Lettre ouverte pour l’accessibilité numérique des services publics. Mais l’accessibilité est à présent beaucoup plus partagée et devrait continuer à se développer si les acteurs engagés dans la démarche continuent à expliquer les bénéfices, pour les utilisateurs concernés et pour les administrations également.

En conclusion, les acteurs du monde libre ont tout intérêt à encourager les mouvements initiés par les collectivités, à communiquer sur les résultats plutôt qu’à décrier ceux qui ne font pas ou les imperfections de ceux qui font. Valoriser les précurseurs est souvent plus efficace…

Lire aussi sur choblab.com