Zack Snyder serait-il l'homme d'un seul film ? Après le remake réussi du Dawn of the dead de
George A. Romero (L'armée des morts), Snyder mettait en scène 300, adaptation du roman graphique de Frank Miller, et véritable ode cinématographique aux corps
masculins huilés, aux abdominaux saillants et à la testostérone suintante.Nombre de spectateurs se sont extasiés à la sortie du film devant l'esthétique du métrage et sa réalisation à coups de ralentis/accélérés, alors que 300
brille avant tout par son absence totale de point de vue et sa malheureuse déférence aveugle à son matériau de base.Car respecter l'esprit de l'oeuvre qu'on adapte, c'est bien. En faire un copier/coller formel revient en revanche non seulement à se reposer totalement sur un
support (en l'occurence un comic), et donc faire preuve de fainéantise éhontée, mais également à nier qu'oeuvre littéraire et cinématographique sont deux médiums différents qu'il
s'agit d'aborder de façon distincte. Snyder, avec 300, décalque malheureusement le comic de Miller sur la pellicule, ôtant ainsi toute vélléité créatrice à l'ouvrage, en se
réfugiant de surcroît derrière l'argument du respect à l'oeuvre de base, auréolé de la bénédiction de Frank Miller, accessoirement co-producteur du film.Relatant l'épisode de la bataille des Thermopyles opposant Spartiates et Perses en 480 avant J.C., 300 se laisse cependant suivre agréablement, certains
plans possédant une vraie puissance d'évocation (l'épisode du loup, le plan de foule final), et la narration ne souffrant pas de temps mort. En revanche, difficile de garder son sérieux devant
l'esthétique Tahiti douche de l'ensemble. Ainsi, les tablettes de chocolat en guise d'abdominaux, les muscles secs et virils et les corps imberbes des soldats spartiates, et les poses
totalement artificielles des corps dans l'espace (à l'image de ce plan ridicule et à mourir de rire où le roi Leonidas se dresse nu face à la lune), parsèment le film de bout en
bout, marquant le métrage du sceau plastique d'une publicité pour gel douche.Rappelons également que certains ont fustigé le film à l'époque de sa sortie en le taxant de manifeste pro-guerre, critiquant ainsi l'aspect clairement guerrier du
métrage, mais accordant finalement bien trop d'importance à une idéologie somme toute absente du film, ce dernier s'inscrivant davantage comme un manifeste pour la liberté et contre la
tyrannie que comme un film propagandiste. En tout état de cause, chercher une idéologie dans 300 revient à passer à côté de ce que le film constitue au final: une oeuvre décalque d'un
roman graphique, sans âme, sans enjeu cinématographique, mais possédant une narration sans faille qui permet de suivre l'ensemble sans ennui, pour le seul plaisir des yeux.Snyder réalisera par la suite Watchmen, adaptation du roman graphique d'Alan Moore, bien supérieure à ce 300, mais toujours handicapée par une
mise en scène purement tape-à-l'oeil.Snyder est donc bien l'homme d'un seul film.