Par Eddie Williamson - BSCNEWS.FR / Ouais, un album à concept ! Je n’aime pas les albums à concept. Je n’y comprends jamais rien. Bon, j’exagère, mais ce qui m’embête avec ce genre de disques, c’est que je suis la plupart du temps au courant que c’en est un, donc je me sens obligée d’essayer de comprendre toutes les paroles et ça va à l’encontre du plaisir simple de l’écoute. Je mets ensuite un moment à apprécier le disque pour ce qu’il est. Dans le cas de Hello Paradise ce n’était pas un problème puisque je n’ai eu vent du concept qu’après avoir décidé de vous en toucher deux mots. « Ignorance is bliss », comme ils disent.
D’une manière générale, quand des artistes proposent leur album en écoute et téléchargement gratuit sur leur Bandcamp, je les écoute, parce que c’est une sacrée prise de risque et qu’elle mérite d’être récompensée au minimum par une écoute. Celebration était signé chez 4AD, l’un des plus gros labels indépendants, chapeauté par Beggars Group, produits par nulle autre que Dave Sitek de TV on the Radio. Autrement le rêve pour beaucoup de groupes de rock.
Plus à l’aise dans le Do It Yourself, ils ont décidé de changer radicalement d’approche pour leur troisième approche : exit Dave Sitek, ils ont également quitté 4AD, et ce malgré une proposition de renouvellement de contrat de ces derniers, renonçant de fait à une source sûre de financement et à une certaine exposition médiatique. « For us, in the end, the benefits did not outweigh the cost. The whole business bummed me out », explique la chanteuse Katrina Ford. Ainsi, dès le début de l’année 2009, le groupe a commencé à mettre en ligne gratuitement, en mp3, les morceaux de Hello Paradise, et ce à mesure qu’ils étaient enregistrés. En décembre dernier, l’album entier a été mis en ligne sur Bandcamp et vous pouvez maintenant le télécharger au prix que vous souhaitez ou commander le vinyle.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce groupe en a dans le pantalon.
Il paraît donc que chaque morceau correspond à une carte du tarot. Hello Paradise est la première épisode d’une série intitulée Electric Tarot. Je n’ai jamais joué au tarot de ma vie, je n’ai donc saisi aucune référence à ce jeu de cartes dans aucun des huit morceaux de ce disque, je vous épargnerais donc une analyse bancale. Honnêtement j’ai du mal à mettre des mots sur cette musique. « Mais pourtant c’est ton job, non ? », me direz-vous. Oui, mais il y a des jours où c’est vraiment pas facile. Ce sont neuf morceaux tellement disparates, avec tellement de petits détails, de petites subtilités qui font que chacun d’entre eux vaut que l’ont s’y attarde. Personnellement c’est un de ces albums à réécoutes obsessives, et la réponse au « Pourquoi ? » qui s’est dessiné dans une bulle au-dessus de votre tête* sont ci-dessous.
La performance de Katrina Ford est exceptionnelle, et c’est vraiment peu de le dire. Elle me rappelle parfois carrément Grace Slick de Jefferson Airplane, mais elle ne saurait être résumée par cette seule comparaison tant elle fait preuve d’une versatilité incroyable, à la fois dans la retenue et quand il s’agit d’emmener le morceau vers des hauteurs vertigineuses. Si je n’avais droit qu’à un seul argument pour vous donner envie d’écouter ce disque, ce serait sa voix. Heureusement pour moi, et pour vous, je peux m’étendre ici aussi longuement que je le désire. Vive l'Internet.
L’immense « Battles » est ledzeppelinien au possible : ce morceau conclue l’album – dans la version digital – juste après deux morceaux de pop cool et rêveuse, l’opposition est frappante et la grandeur de ce morceau s’en trouve magnifiée. Heavy, loud, la langue anglaise a plus de mots pour décrire cette musique, c’est normal après tout, ils l’ont inventée. Le funky « Great Pyramid » m’a également fait penser à « Trampled Under Foot » du meilleur groupe de tous les temps. Ce morceau est le plus « instantané » de l’album, celui qui vaudra le coup d’aller voir le groupe en concert rien que pour vivre les inévitables montées d’adrénaline qu’il ne manquera pas de générer !
Pour en finir avec les références, « Open Your Heart » est très (trop) similaire à ce que fait Beach House, l’ennui c’est que sur le terrain de la pop onirique, ils ne font pas le poids face au duo américain. « Shelter » est dans la même veine sauf que cette fois le morceau est un long crescendo qui se termine, comme il se doit, en apothéose et que le groupe excelle en la matière : ils arrivent à faire progressivement grimper l’intensité, sans se répéter, en ajoutant des instruments, mais sans surcharger le morceau, en changeant le tempo plusieurs fois, mais sans que cela me fasse perdre le fil de l’écoute. Ils connaissent leur boulot, quoi ! Mais « Shelter » n’est même pas mon morceau pop préféré de l’album. C’est « I Will Not Fall », que je vous laisse écouter (j’vais quand même pas tout vous dévoiler).
En plus de ça l’album baigne dans une sorte de brume psychédélique grâce à l’usage extensif de réverb, mais c’est peut-être mon obsession actuelle pour la musique psyché qui me fait penser cela. Au final, les membres de Celebration prouvent qu’ils sont toujours au top de leur créativité même sans l’appui d’un gros label (qui en doutait de toute manière ?), pour signer avec Hello Paradise une oeuvre dense et franchement enthousiasmante. J’ai hâte d’entendre la suite !
* Oui, des fois j’essaye de vous imaginer en train de lire mes lignes, vos pensées illustrées comme dans une bédé. Par exemple là vous avez un « Elle est tarée » juste au-dessus de votre tête.
Sortie le 25 janvier 2011 (Friends Records)