Après tout, pourquoi faire la guerre ? Pourquoi, on n’en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire. On sera bien forcé de voir que si chaque nation apporte à l’idole de la guerre la chair fraîche de quinze cents jeunes gens à déchirer chaque jour, c’est pour le plaisir de quelques meneurs qu’on pourrait compter ; que les peuples entiers vont à la boucherie, rangés en troupeaux d’armées pour qu’une caste galonnée d ‘or écrive ses noms de princes dans l’histoire ; pour que des gens dorés aussi, qui font partie de la même gradaille, brassent plus d’affaires – pour des questions de personnes et des questions de boutiques. Et on verra, dès qu’on ouvrira les yeux, que les séparations qui sont entre les hommes ne sont pas celles qu’on croit et que celles qu’on croit ne sont pas.
Henri Barbusse, Le Feu