Bon heur ou mal heur?J’ai
presque pas touché au mojiiiito. J’ai tutoyé un Saint Emilion de 75 dont j’ai
oublié le nom et j’avais des projets pour une téquila que j’avais qualifiée en
finale. T’es
cool, en anesthésie générale et en pleine comédie du bonheur et là… une main
invisible dépose un vieux vinyl sur une platine ancienne pour un diamant
disparu. "Les Platters" se mettent à geindre : « Only yououou ».
T’as
aimé une fois, après, tu meubles. Autant vivre heureux. En attendant.Cueilli,
il ne reste qu’une option : fuir! À toi, Tom B. Dunid :« Il
tangue et il titube, tenant dans ses bras un fantôme encore chaud.La maison vide de meubles
dans sa nouvelle solitude et son ancienne obscurité revenue sent déjà la
froidure prochaine. Il incline la tête. Ses pas glissent au tempo lent du
dernier slow.Dans la nuit, une étoile
filante passe que des milliards d'yeux ne voient pas. Un phare, une luciole, juste
pour l'éclairer un petit peu lui, car les autres passagers de la petite boule
bleue qui tourne autour de la grande brillante à 100 000 km/H sont devant la
télé. Lui, l'étoile, l'intersection improbable.Tout à l'heure, si tout va
bien, il sera en Espagne.Il y est déjà, à vrai dire:La sierra de Guara, le désert
des Bardenas et les copains.A deux heures du matin il règne une ambiance de Western et tout à l'heure les VTT remplaceront les chevaux du coté de Nocito, San Urbez et Rodellar. Tom, tandis que les potes installent le bivouac, va faire connaissance avec le paysage dans la clarté lunaire. Pèlerin nostalgique, il se souvient de l'arrivée à
Bilbao, dans une autre vie, sur la route du "Guggenheim" par
la "plazza corazon del Jésus"et son "Corcovado" réplique de
celui de Rio.Il se souvient de la falaise au
dessus du canyon de Mescùn.Combien de mètres y a-t-il de
lui jusqu'au sol? Cent, deux cent? Un peu par bravade il s'approche du vide et mime, les bras en
croix dans un souvenir de piscine, le geste du "salto del Angel" de
l'homme de Rio. Les orteils dépassent de la roche comme jadis sur le plongeoir
du grand bain pour ressentir cette délicieuse impression de rater une marche
lorsqu'il donnait à son petit corps l'impulsion de l'envol.Il relève le col de son blouson
frissonnant de vent, de vertige et d'émotion. Touché par un réflexe prudent, il tente de reculer. Hélas Tom B. Dunid dit intelligence à J+1, le mec en bas débit est monté à l'envers ou s'agit-il d'une confusion ergonomique avecle blouson qu'il faut fermer et la montre qu'il faut avancer? Débordé, il fait un
pas en avant en cherchant la fermeture éclair.Alors le changement d'heure, bien, pas bien?Trop tard!Un souffle qui passe,
surnaturel et mystérieux le précipite dans le précipice. L’accélération
fantastique et le vent de la chute fait claquer sa peau. Il ouvre la bouche de
surprise comme on ouvre un dérisoire parachute. En apnée et en apesanteur, la
pomme vivante va dans quelques secondes valider les théories de Newton sur l’attraction
terrestre.L'apesanteur, c'est comme le
bonheur: faut savoir le faire durer. Le sol est déjà là qui vient à sa
rencontre en avance pour le rendez-vous avec le monde de l'en dessous.
L'avenir, c'est maintenant.Il met les mains jointes en
avant par réflexe, l'air s'engouffre dans le blouson, le déshabille et emporte
le vêtement. Qu'importe, il parait qu'en enfer c'est assez bien chauffé.C’était écrit: Main invisible –
Platters - platine - diamant - femme - disparue- envol- souffle qui passe.Finir au fond d’une fêlure! Tout en bas de la ravine, sur un lit de sable, une alchemille fendue propose sa corole rosée.1 heure du matin.Aprés le Somport, Stéphane ralenti en quittant la
départementale: faudrait pas accrocher la remorque chargée de VTT à la traine
derrière la Laguna. Steph, Fabrice, Bernard et Tom s’engagent sur le chemin de
terre qu’ils ne quitteront plus jusqu’à l’auberge du cavalier français à
Nocito.A la bonne heure, changement d’heure.
Glissement du continuum spatio-temporel comme on dit dans « Retour vers le
futur » Pas encore arrivé, Tom avertit, ne s’approchera pas de la falaise.