La France est hermétique à l’humour américain. Si si. Elle n’y connait rien, n’y pige que dalle. Du moins c’est ainsi que les distributeurs l’entendent. Oh bien sûr quelques films, quelques stars passent entre les mailles du filet, Jim Carrey étant le plus notable. Et quelques films aussi, par-ci par-là, comme Very Bad Trip il y a deux ans. Mais la plupart des représentants de l’humour US, la plupart des pures comédies venues du Pays de l’Oncle Sam, restent dans l’ombre en France, réservées aux sorties techniques au mieux (American Trip), à des sorties directes en DVD souvent (Zack et Miri font un porno), voire à un barrage à la douane transatlantique (j’aurais tant aimé voir Observe and Report !).
Le fantasme des distributeurs français, c’est que les spectateurs français aiment les comédies françaises, surtout, anglaises, un peu, américaines, à peine. Que les acteurs de comédies américaines, s’ils ne s’appellent pas Jim Carrey ou Steve Carell, ne nous intéressent pas. Il faut vraiment qu’un film soit un phénomène aux États-Unis, ou soit joué par des acteurs populaires en France, pour qu’on y ait droit dans 200 salles. Sinon, tout ce qu’on peut espérer au mieux, c’est l’Orient-Express et le Publicis (et moi du coup je les adoooore ces salles !).
Il y a quelques jours, Sony a lancé sur les écrans français le nouveau film interprété par Adam Sandler et réalisé par son pote Dennis Dugan (on ne compte plus les films que ces deux-là ont tourné ensemble). Sandler fait partie de ces acteurs stars aux États-Unis qui en France ont rarement droit à mieux qu’une sortie technique. Il faut dire aussi que Sandler n’est pas le comédien le plus apprécié par la critique américaine, et que ça ne doit pas trop les choquer non plus, les journalistes américains, qu’en France ses films sortent en catimini, voire pas du tout. Pourtant on ne peut pas aimer la comédie américaine et ne pas s’intéresser à Adam Sandler. Certes il n’a pas l’élasticité d’un Jim Carrey, la folie d’un Will Ferrell ou le charme d’un Steve Carell. Certes il a tourné quelques bons petits navets, à l’image du dernier de ses films à être sortis en France, le bien creux Copains pour toujours. Certes ce nouveau film en salles cette semaine ne doit probablement sa sortie à si « grande échelle » (173 salles tout de même) qu’à la présence de Jennifer Aniston et Nicole Kidman au générique du film.
Mais cela veut-il dire que Sandler doit être ignoré ? Qu’il ne tourne que des films sans intérêt ? Évidemment non. Alors si vous vous êtes laissé convaincre par les distributeurs français que Sandler n’est pas pour nous, que les américains peuvent se le garder, l’ancien du Saturday Night Live, voici un petit guide des six films à voir pour se convaincre que décidément, Adam Sandler vaut d’être suivi, qu’il ne fait pas que des comédies débiles, et que certaines de ces comédies débiles sont de toute façon géniales.
Punch-drunk love (2002)Réalisé par Paul Thomas AndersonLe rôle : Barry Egan, un homme ordinaire qui collectionne des coupons de voyage et s’embarque dans un voyage pour Hawaï avec une jeune femme présentée par ses nombreuses sœurs.C’est le film avec lequel j’ai découvert Sandler. Jusque là, ses comédies ne m’avaient jamais attiré, et je m’étais laissé convaincre par les distributeurs et la plupart des critiques que les films figurant Sandler à leur générique n’étaient que des comédies lourdaudes et dispensables. D’où ma déception que Paul Thomas Anderson, le réalisateur Boogie Nights, écrive un film pour l’acteur. J’y suis donc allé craintif, et en suis sorti enchanté. Bien sûr la qualité du film en lui-même jouait, mais j’ai découvert en Sandler un acteur décalé, bouillonnant et tendre. Et à suivre.
Amour et amnésie (2004)Réalisé par Peter SegalLe rôle : Henry Roth, dragueur en série à Hawaï qui tombe amoureux d’une fille souffrant d’une mémoire à court terme : tous les jours elle oublie ce qu’il s’est passé depuis un grave accident, et tous les jours, il doit la séduire à nouveau.Une seconde romance à Hawaï pour Sandler, cette fois-ci nettement plus comique que le film délicat et décalé de Paul Thomas Anderson. Sandler s’essaie à la romance comique plus qu’à la comédie romantique, et cela lui va bien. Amour et Amnésie, c’est un de mes plaisirs coupables favoris. Je ne me lasse pas du gimmick de la conquête amoureuse à reproduire chaque jour, et de son ton finalement assez mélancolique. C’est le film à partir duquel j’ai commencé à ne plus rater les films de Sandler en salles.
Spanglish (2004)Réalisé par James L. BrooksLe rôle : John Clasky, père de famille chef gastronomique ayant du mal à faire l’arbitre entre sa femme et ses enfants.Probablement le rôle et la performance la plus inattendue d’Adam Sandler. Comme P.T. Anderson deux ans plus tôt, la surprise s’est imposée lorsque James L. Brooks, le réalisateur rare de Pour le pire et pour le meilleur et Broadcast News, a choisi l’acteur comique pour tenir le premier rôle de son nouveau film. Brooks, c’est une incongruité dans le paysage du cinéma contemporain, un cinéaste qui créé des personnages et bâti entièrement ses films autour d’eux plutôt qu’autour d’une intrigue. Un cinéma toujours étonnant, posé et fin, comme il l’a encore prouvé récemment avec l’incompris Comment savoir. Sandler ne jure pas le moins du monde chez Brooks et confirme que décidément, il n’est pas qu’un clown.
Rien que pour vos cheveux (2008)Réalisé par Dennis DuganLe rôle : Zohan, superagent du Mossad qui se fait passer pour mort en Israël afin d’accomplir son rêve : ouvrir un salon de coiffure à New York.Mais c’est un clown aussi, le Sandler. Et pas des moindres. Si je devais retenir une comédie pure et dure, et une seule, de sa filmographie riche dans le genre, ce serait celle-ci. You don’t mess with the Zohan en VO. Il faut dire que Sandler l’a lui-même écrite avec son vieux pote Judd Apatow. Le pitch est fou, insensé et potentiellement foireux. Or le film est un joyau de loufoquerie, hilarant de la première à la dernière seconde. C’est barré, c’est couillu, c’est graveleux juste ce qu’il faut (à savoir beaucoup tout de même !), et c’est un régal qui me plaque au sol sous les rires. Vous pensez que Sandler ne fait que des comédies débiles pas drôles ? Regardez celle-là, et essayez de résister.
Funny People (2010)Réalisé par Judd ApatowLe rôle : George Simmons, star comique hollywoodienne qui prend sous son aile un jeune auteur quand il apprend qu’il est atteint d’un mal incurable.C’aurait pu être le chef-d’œuvre d’Adam Sandler. Comme je l’expliquais à la sortie du film, Apatow en avait les moyens, mais s’est planté en cours de route. Il n’en demeure pas moins que Funny People permet à Sandler de tâter le rôle qui lui ressemble probablement le plus dans sa filmographie, et si le film n’offre au final pas pleine satisfaction, cela tient plus aux choix scénaristiques qu’en la présence de l’acteur lui-même. Drôle, réflectif, passionnant, dans ses meilleures facettes, Funny People affiche ambitions et qualités dignes des meilleures comédies, et Sandler relève le défi.
Le Mytho – Just go with it (2011)Réalisé par Dennis DuganLe rôle : Danny, chirurgien plastique célibataire mettant les filles dans son lit en se faisant passé pour un homme malheureux en ménage, rencontre une beauté en qui il voit « the one and only » comme disent les anglo-saxons. Mais comme elle le croit marié, il demande à sa secrétaire de se faire passer pour son ex-femme.Eh oui, contre toute attente, la toute nouvelle comédie d’Adam Sandler figure à mes yeux parmi ses toutes meilleures. Adaptation d’une pièce classique déjà portée à l’écran dans les années 60 avec Walter Matthau (Fleur de cactus), Le Mytho m’a rappelé Amour et Amnésie pour lequel j’ai déjà avoué mon coup de cœur. Une comédie qui sous ses airs de romance propose un menu de comédie hilarant (une fois de plus principalement située à Hawaï, Sandler semble s’y plaire !), n’hésitant pas à jouer sur le terrain du graveleux. La scène la plus irrésistible du film touche même un sommet d’humour pipi-caca dont j’ai eu grand peine à me remettre (demandez à mes voisins de salle, qui ont dû s’inquiéter pour moi… ou bien de moi, ce drôle de type qui n’arrive pas à s’arrêter de rire plusieurs minutes après le gag). Oh qu’il est drôle ce film. Certains seront peut-être attirés en salle par le bikini jaune joliment porté par Brooklyn Decker, mais je suis sûr que l’humour dévastateur du film de Dugan (le même qui avait signé Rien que pour vos cheveux) fera son boulot.
Je suis prêt pour le prochain Sandler, amenez-le moi !