Je vous en ai déjà entretenu lors du
précédent article, la parthénogenèse est un mode de reproduction asexuée utilisant des gamètesfemelles non fécondés. Grosso-modo, prenez un ovule, activez le et laissez-lese diviser jusqu’à obtention d’un "nouvel" individu. La question que l’on peut se poser s’est pourquoi certainesespèces issues d’ancêtres à reproduction sexuée se sont soudainement mises à produire des clones ? Car c’estlà, la plus grande conséquence de la parthénogenèse, les individus sont tous desclones, c'est-à-dire qu'ils possèdent le même patrimoine génétique !
[Reproduction asexuée ne veut pas dire sans sexualité, Ci contre deux lézards femelle de l'espèce parthénogénétique Cnemidophorus uniparens simulent un accouplement. Les rôles de mâles et femelles changent toutes les 2 à 3 semaines en fonctions du cycle hormonal.]- Avantage au nombre, ou le poids démographique des mâles.
La reproduction asexuée permet la production rapide d’ungrand nombre d’individus. Elle évite en effet les tracasseries causées par lesmâles qui ne sont, avouons-le, que perte de temps et d’énergie : En effet si la quête d’unindividu du sexe opposé, ou les diverses parades amoureuses, sont assurées par le mâle, c'est malgré tout la femelle qui assure à elle seule la plus grande part du coût de la reproduction sexuée en dédiant une grande partie de ses ressources à la procréation de 50% de mâles dans la population. Si les mâles deviennent facultatifs à quoi bonles produire ? Envisageons cette hypothèse avec un exemple :
[
Soit deux espèces proches, pour lesquelles lafemelle produit à chaque génération systématiquement 2 individus, mais dans uncas elle produit deux femelles par parthénogenèse, et dans l’autre cas elledonne naissance à un mâle et une femelle (statistiquement) issu de lareproduction sexuée.Si l’on prolonge ce schéma sur plusieurs générations, chaquefemelle donnant à son tour 2 individus, soit 2 femelles, soit 1 femelle et unmâle, on obtient au bout de 10 générations 1024 individus pour la reproductionasexuée (210), et seulement 2 individus pour la reproduction sexuée… ]La parthénogenèse parce qu’elle évite la production desmâles, écrase donc littéralement et à très court terme la reproduction sexuée par son efficacité d’unpoint de vue démographique. Comment-se fait-il alors que 95% des espèces pratiquent toujours la reproduction sexuée ?
- Parthénogenèse 1 /Reproduction sexuée 0 -
- Avantage à la diversité, ou l’utilité relative du sexe surle long terme.
Le maintien de la reproduction sexuée trouve une premièreexplication dans l’idée qu’elle apporte une grande diversité génétique. Et oui,le mécanisme conduisant à la production des gamètes (la méiose) permet deproduire chez l’Homme plus de 64 milliards de gamètes différent ! Ceci associéeà la rencontre aléatoire des gamètes assure la création d’un individugénétiquement unique à chaque génération. La « procréation sexuée » est donc comme l’a formulé François Jacob« une machine à faire du différent ». Et le différent c’estbien ! La variation inter-individuelle héréditaire constitue en effet le terreau de la sélection naturelle.Sans variation, il n’y a pas de sélection possible et donc pas d’adaptation. Sil’environnement reste constant ce qui est le plus souvent le cas à court terme cela ne pose pas de problème, mais en cas de changement les espècesparthénogénétiques ne présentent pas le "pool" de diversité génétique leurpermettant de s’adapter. [
Ci dessus, la parade nuptiale du fou à pieds bleus Sula nebouxii... un probant résultat de la machine à faire du hmm "différent" ...]
Cet avantage n’est toutefois que relatif car il n’estvalable que sur le long terme, et la sélection naturelle s’effectue à l’échelled’une génération. Nulle conscience divine n’est là pour prendre en compte deseffets bénéfiques à long terme, mais couteux à brève échéance...
- Parthénogenèse 1 /Reproduction sexuée 0 -
- Le bénéfice à court terme : l’exemple des pucerons.
Si la procréation sexuée se maintien c’est donc qu’elleprocure bien un avantage à court terme. Quelques exemples sont susceptibles de fournir uneexplication qui nous allons le voir sont liées à des contingences bien éloignéedu mécanisme même de la reproduction sexuée...
Chez certaines espèces de pucerons (
aphidés) lareproduction se fait par parthénogenèse à la belle saison. Les individus issusd’ovules non fécondés se développent à l’intérieur même du corps de leur mère. dont il sortirons entièrement formés.
(photo) Il peut même arriver que deuxgénérations soit présente de le corps d’un seul individu. Bref la productiondémographique est énorme (théoriquement 524 milliards d'individus par an chez
Aphis fabae) et les ressources sont exploitées au maximum par desindividus dont l'une des particularité est l'absence d'ailes. On a là un bel exemple d'espèce à "
stratégie r" axé sur la reproduction plutôt que sur la survie.
Il n’y a que deux cas où les femelles commencent à produiredes mâles : lorsque les ressources s’épuisent, et lorsque l’hiver arrive.Dans le premier cas l’apparition d’individus ailés pouvant effectuer lareproduction sexuée permet la dispersion sur une nouvelle plante. Dans le secondcas les œufs pondus issu de la reproduction sexuée constituent une forme derésistance au froid, apte à passer l’hiver en attendant le retour des beauxjours… Résistance, et dispersion sont ici deux exemples d'avantages à court termes liés à une reproduction sexuée qui se produit au moins une fois par an.
- Parthénogenèse 1 /Reproduction sexuée 1 -
Match nul !
Cet exemple des pucerons traité notamment par
S.J.Gould dans le recueil «
Darwin, et les grandes énigmes de la vie » nous montre unefois de plus que l’idée d’une sélection naturelle conduisant directement à une solution optimale qui serait ici lareproduction sexuée est à rejeter. L’évolution procède en réalité plus du « bricolageimprovisé » que du « plan d’architecte » et l’Homme parce qu’ilcherche l’idée, la morale ou la conscience là où il n’y en a pas, est souventprompt à se fourvoyer. Il n'y a donc ni gagnant ni perdant dans ce duel mais juste un ensemble de solutions possibles au problème de la reproduction.
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