Alors que le cinéma d’horreur américain s’enlise petit à petit dans des suites, remakes et autres torture porns, que les Espagnols tournent en rond avec leurs histoires de fantômes sur fond de traumas, que les Japonais ont saoulé tout le monde avec leurs fantômes aux cheveux longs, et que les Français ne savent toujours pas emballer une bande horrifique correcte, il devient bien difficile pour l’amateur de frissons de trouver de quoi se mettre sous la dent. Heureusement, il reste les valeurs sûres comme le Royaume-Uni, mais aussi l’Australie, dont la production horrifique connait un soudain regain d’intérêt. Focus sur deux œuvres très différentes mais preuve de la vitalité retrouvée du cinéma de Downunder.
The Loved Ones
Résumé : Parce qu’il a refusé de l’accompagner au bal de promo, Lola Stone enlève avec l’aide de son père le jeune Brent. Séquestré par cette famille effrayante, Brent ne peut compter que sur lui-même pour s’échapper et résister aux sévices que Lola et son père ne tarderont pas à lui infliger.
Premier long métrage de Sean Byrne, The Loved Ones est une bande horrifique des plus rafraichissantes. D’abord par son sujet (la fille moche du lycée enlève le beau gosse de la promo pour le forcer à être son cavalier), mais aussi par le soin apporté au développement de ses personnages. Car à la différence des basiques torture porns (même si certaines scènes sont assez gratinées), le film de Byrne s’attache d’abord à développer des personnages crédibles et attachants. Brent n’est ainsi pas seulement un beau gosse sur lequel fantasment toutes les filles du lycée, c’est aussi un adolescent torturé qui ne s’est pas remis de la mort de son père, mort qu’il a provoqué indirectement en ayant un accident de voiture. Il apprendra néanmoins à trouver en lui des ressources insoupçonnées pour échapper à ses ravisseurs. De même, la jeune Lola, que l’on prend immédiatement en pitié (quel ado n’a jamais été rejeté par un garçon ou une fille sur lequel il avait flashé) se montre d’abord attendrissante (voir la scène à la fois émouvante et pathétique de l’essayage de robe) s’avérera petit à petit être un monstre d’égoïsme et de folie, totalement gâté par un père protecteur avec des tendances incestueuses. On est donc bien loin des coquilles vides auquel le genre nous avait habitués.
Mais là où The Loved Ones fait réellement mouche, c’est dans son imprévisibilité. Rarement on aura vu un film d’horreur récent proposant autant de rebondissements et d’incertitude quant à la survie finale de son héros. Le film de Sean Byrne propose aussi son lot d’images marquantes, d’un repas rappelant Massacre à la Tronçonneuse à une découverte des plus macabres dans le sous-sol de la maison. La critique qui revient le plus souvent à l’encontre du film concerne une intrigue secondaire sur les mésaventures de Jamie, le meilleur pote de Brent, lors du bal de promo. Certes ces scènes ne sont pas forcément toujours bien intégrées, et on se demande souvent ce que cette intrigue vient faire dans le film. Mais loin d’être anodines, elles permettent d’une part de souffler un peu en s’éloignant de l’horreur du calvaire de Brent, tout en participant au final pleinement à la thématique du film. Car The Loved Ones, comme son titre l’indique (on pourrait le traduire par « les chers disparus ») est tout autant un survival qu’un film sur la douleur des familles dont les proches ont été massacrés par Lola et son père. Une idée inédite et intelligente, qui permet in fine d’amener le long métrage de Byrne sur les sentiers inattendus de l’émotion brute, lorsque toutes les pièces du puzzle seront rassemblées (le voile est levé sur l’accident de Brent, et une très émouvante scène explique le comportement étrange de la partenaire de Jamie).
The Loved Ones est un petit coup de maître, une bande dynamique et formidablement originale qui donne furieusement envie de suivre la suite de la carrière de Byrne.
Note : 8.5/10
Australie, 2009
Réalisation: Sean Byrne
Scénario: Sean Byrne
Avec: Xavier Samuel, Robin McLeavy, John Brumpton, Richard Wilson, Victoria Thaine
Insane (Storm Warning)
Résumé: Un couple parti pêcher le long des côtes australiennes se retrouve surpris par une tempête. Echoués sur une île inconnue, ils s’abritent dans une maison qu’ils pensent abandonnée. Mais les occupants de celle-ci, deux frères et leur père, ne tardent pas à arriver et n’apprécient guère la présence de ces étrangers dans leur demeure…
Sous le titre et la jaquette incroyablement racoleurs du DVD édité par Pathé se cache en fait Storm Warning, avant-dernier film du réalisateur Jamie Blanks. Jamie Blanks qui avait démarré sa carrière dans les années 90 avec l’un des meilleurs néo slashers de l’époque, l’excellent Urban Legend, avant de se fourvoyer dans le très mauvais Mortelle Saint Valentin. Ereinté par cette expérience des plus désagréables (a priori le studio aurait mis beaucoup trop son grain de sel dans le développement du film), Blanks a fini par repartir dans son Australie natale pour réaliser quelques années plus tard le Storm Warning qui nous intéresse.
Contrairement à ce que la jaquette du DVD et le titre remanié du film laissent entendre, Insane n’est pas un torture porn de plus, loin de là d’ailleurs, puisque le film ne comporte aucune scène de torture. Insane est en fait un survival en huis-clos qui n’est pas sans rappeler les fleurons du genre tels que Délivrance de John Boorman, vu qu’il confronte un couple de citadins à des bouseux cultivateurs de hash dans une île perdue de l’Australie. Et plutôt que de se lancer immédiatement dans des scènes gores et d’infliger les pires sévices à ses héros, Jamie Blanks préfère faire monter lentement la tension, quitte à rendre ses héros parfois à moitié antipathiques (Robert Taylor est assez hautain, et notre Nadia Farès nationale tombe finalement assez vite dans le jeu de massacre pur). La première partie du film est donc une lente montée en puissance du malaise, les deux frères s’amusant à effrayer leurs « hôtes » par des jeux d’abord anodins (en leur volant leurs pantalons pendant qu’ils prennent une douche par exemple) puis de plus en plus malsain (le massacre du bébé kangourou). Un malaise renforcé par les gueules des trois bad guys du film, notamment John Brumpton, terrifiant en patriarche queutard et vicieux n’aimant rien de plus que de violenter les femmes qui lui tombent entre les mains.
Du coup, l’explosion de violence du dernier acte n’en sera que plus surprenante, surtout que le réalisateur ne prend plus de gants et laisse libre court à la boucherie orchestrée par son héroïne. Tous les sévices y passent, des plus douloureux (le piège à hameçons) aux plus drôles (la « protection intime » de Nadia Farès, à l’efficacité redoutable). Une dernière partie jouissive, dans laquelle Nadia Farès excelle en combattante brutale et sans pitié, face à des adversaires rapidement dépassé par les événements.
Rien de bien neuf sous le soleil du survival, mais Jamie Blanks assure comme jamais, que ce soit dans la montée de la tension en début de film ou dans le déferlement de violence qui suit. Bref, le réalisateur a retrouvé toute sa morgue lors de son retour au pays, et c’est une sacrément bonne nouvelle.
Note : 7/10
Australie, 2007
Réalisation : Jamie Blanks
Scénario : Everett De Roche
Avec : Robert Taylor, Nadia Farès, David Lyons, Matthew Wilkinson, John Brumpton