Un titre choc pour une enquête bien plus choc de France Info, voire choquante sur le Service des adoptions des Yvelines qui délivrent le fameux "agrément" qui autorise des familles à adopter. Choquante à tout point de vue : les faits avancés, les conclusions, mais aussi la dureté des témoignages et les méthodes d'interview !!!
Je vous conseille donc vivement de lire et d'écouter cette enquête. C'est édifiant, et les accusations sont violentes... J'ai eu du mal à croire tout ce que j'entendais, surtout venant d’une radio tel que France-Info qui n’est pas connue pour son sens de la provocation ! Ceux qui me connaissent un peu le savent : cette enquête m’a forcément fait réagir en tant qu’habitante des Yvelines et « multi-agrée » par ce service dans le cadres des adoptions de nos enfants.
Le premier point qui m’a surprise dans cette "enquête", et non des moindres puisqu’il s'agit d'une de ses clefs de voûte , c'est celui des taux de refus d’agrément dans les Yvelines annoncés par le journaliste. Ils lui auraient été communiqués par la présidence du conseil général : le taux de refus des demandes d’agrément serait de deux tiers des demandes en 2009 (66%), et de 55% en 2010 ! Je vous avoue être estomaquée par ces chiffres qui sont bien plus élevés que ceux du rapport d'activité 2009 du service Yvelines Adoption (service qui dépend du conseil général) que j'ai entre les mains, et dont les données avaient été reprises par sa responsable dans l'interview téléphonique. Dommage qu'on n'en sache pas plus sur l'origine de la source du journaliste (orale, écrite, via qui du CG ??). Quoi qu'il en soit, le taux de refus dans Yvelines est bien plus élevé que dans le reste de la France. Il doit y avoir de bonnes raisons pour cela, et j'aimerais bien les connaître...
L'interview évoque des critères "du moule" dans lesquels doivent rentrer les candidats pour pouvoir espérer devenir titulaires dans les Yvelines d'un agrément d'adoption. Oui, j'ai eu des témoignages de couples "hors normes" qui n'ont pu avoir leur agrément, à ma grand surprise. Oui, j'ai entendu parler des difficultés, et des refus. Mais de là à ce que ce moule soit systématique ? Le service Adoption des Yvelines a pour réputation d’être un des plus durs et rigides de France, certes. D'ailleurs, mon mari et moi, avons essuyé des sérieuses difficultés sur un de nos projets d'adoption face à ce même service des Yvelines. Non pas parce que nous n'étions pas dans le "moule", mais plutôt parce que notre projet d'adoption, lui, ne l'était pas ! Donc l'orientation de cette enquête ne m'a pas trop étonnée...
Par contre, ce qui m'a plus surprise, plutôt que le fond de cette enquête, c’est sa forme : la dureté des propos, et les cas extrêmes de témoignages présentés. Je ne pensais pas que la situation était aussi critique dans les Yvelines !! J'avoue aussi avoir été aussi très étonnée par le ton du journaliste lors de l'interview téléphonique intégrale de la responsable, lui demandant de rendre des comptes au téléphone sur des extraits d'enquête sortis de leur contexte et sans qu'elle ait les dossiers sous les yeux... C'était normal qu'elle ne puisse pas lui répondre, d'ailleurs le journaliste lui laissait-elle la possibilité de pouvoir construire une réponse cohérente face à cette avalanche d'accusations ? On aurait dit un peloton d’exécution plutôt qu’un échange sain, et certaines phrases des enquêtes sorties de leur contexte étaient vraiment sans intérêt malgré le côté théâtral des accusations. Bref, j’ai trouvé le journaliste partial, et que cela discréditait son discours.
Autre chose où mon témoignage personnel n'a pas rejoint du tout les propos tenus par le journaliste concerne les méthodes d'évaluation, les questions intrusives, sur la religion ou le parcours PMA. Car non, j'ai toujours trouvé nos intervenants sociaux peu intrusifs lors des entretiens de nos trois (oui j'ai bien dit trois !) agréments. Il y avait peu de questions sur notre parcours PMA, et jamais nous avons du nous justifier sur ce sujet, les choses avaient été assez vite balayées sur ce thème là, malgré mon engagement associatif sur le sujet. Et je ne me suis jamais sentie jugée ou rabaissée. Mais je me garderais de faire des généralités à base de ma propre expérience, comme je me garderais de généraliser des témoignages amenés par une association militante... Si fautes il y a eu dans le passé de la part des intervenants sociaux, doit on pour autant les généraliser à toutes les enquêtes, à tous les intervenants sociaux ? Peut on parler de fautes puisqu'aucun critère existe dans la législation reglementant de façon précise le cadre et le contenu des ces entretiens ?
Par contre, s'il y a un chiffre qui me surprend dans les Yvelines et qui n'est pas cité dans l'interview, c'est plutôt celui-ci : il y a eu 28 adoptions internationales dans les Yvelines en 2009 ! 28, seulement ? Contre une centaine d'agréments donnés favorablement tous les ans ?! L'écart entre ces chiffres et les agréments délivrés est vertigineux. Quelle est la raison du peu de succès des agréments délivrés dans les Yvelines ? Sont ils bien en adéquation avec la réalité du terrain, c'est à dire pour des adoptions d’enfants de plus en plus grands, des fratries etc. ? Ou au contraire, les agréments délivrés sont ils trop restrictifs et ne donnent aucune chance à la majorité des familles de voir leur projet d'adoption aboutir ? Ou bien existe-il des phénomènes régionaux par rapport au projet d’adoption des postulants pour lesquels les ASE n’y sont pour rien ?
Aussi, pour aller plus loin que cette enquête de France Info qui incendie le service adoption du 78, j’aimerais aborder d’autres thèmes qui sont du même esprit. L'interview dénonce des abus de refus d'agrément. Mais il existe bien d'autres formes de refus bien plus subtiles qui se pratiquent en France. Il y a le refus "partiel" du projet de la famille, sans doute le cas le plus classique, qui est celui de décourager la famille sur un projet large et leur délivrer un agrément plus restrictif que ce que souhaitait initialement la famille, alors que la famille semble bien motivée et consciente de leur projet et de ce qui peut s’en découler. Ainsi, de nombreux intervenants sociaux découragent les familles à adopter des fratries ou des grands, ou bien imposent une limite d’âge à ceux qui souhaitent garder l’âge de l’enfant évolutif avec le temps sans restriction d’âge (agrément pour un enfant « né après telle date »).
Il y a aussi les cas des agréments accordés aux familles, mais accompagnés de rapports AS ou psys incendiaires compromettant toute chance de réussite du projet. Et pour finir il y aussi les agréments trop restrictifs qui ne correspondent pas du tout à la réalité des enfants proposés à l'adoption internationale et donc qui n'ont aucune chance d'aboutir (ex agrément pour un enfant de moins de 1 ans pour des couples de plus de 50 ans lorsqu’on ne s’appelle pas Johnny)... Mais tous les postulants le savent : si on se fait refuser un agrément par l'ASE, on peut porter plainte et faire appel au tribunal via un avocat, et presque toujours, on obtient toujours une issue favorable ...
Aussi dernier point. Qui m'a profondément choquée lorsque j’ai été mise au courant de ce fait. Celui de l'acceptation ou non des familles à pouvoir être mises ou pas sur les listes d'attente pour pouvoir adopter une pupille de l'Etat. Certains départements (oh oui je jette un petit voile pudique pour préserver leur anonymat....) ont décrété les familles ne pouvait pas faire une parallèle une démarche à l'international en simultanée s’ils souhaitaient être sur les listes d'attente pour adopter une pupille. Démarche d'adoption à l'international ou pupille de l'état, il faut choisir ! Alors que le département d’à côté ne voit aucun inconvénient à ce que des familles fassent les deux démarches en parallèle…. Choisir l'option de la pupille correspondrait donc à prendre un énorme risque sur son projet de parentalité car tout le monde sait que les probabilités de se faire attribuer une pupille de l'état sont archi faibles... Est-ce pour cela que ces parents seraient des "meilleurs parents" pour ces pupilles que ceux qui font les démarches internationales et nationales en parallèle ?
Et que penser de ces services à l'adoption et de la qualité de leurs équipes lorsqu’il y a un important turnover dans les équipes sociales et psys ? Que dire de ces départements qui ne délivrent quasiment aucun agrément pour les enfants grands en affirmant "il n'y a pas ce genre de familles dans notre département" ? Que penser du fait que ces services ne font qu'évaluer les familles et non les préparer à la réalité du terrain ? Doit on les accuser, ou accuser leur manque de moyens et de directives reçues ?
Des exemples d'inégalité, il y en a tant, et j'en ai cité que si peu ! Pourtant je n'oublie pas les délais à rallonge sans raisons (ou juste par manque de personnel !) dans certains départements, les demandes d'extension d'agrément qui prennent plus d'un an pour être obtenus, les rapports de suivi qui traînent à être envoyés dans le pays d'origine... Je trouve qu’il y a une énorme injustice en France quant à l’obtention de cet agrément lorsqu’on est postulant. Nous n’avons pas tous les mêmes chances, selon notre département de résidence. Il n'y a rien de démocratique dans tout cela, et il y a beaucoup de travail à faire pour rendre ces démarches plus homogènes, transparentes et efficaces.