La masse de l’itinérance

Publié le 31 janvier 2008 par Raymond Viger

Posted on by Raymond Viger

La masse de l'itinérance
Paru le 24 novembre 2007

Jeudi soir. Place Émilie-Gamelin, Montréal. Une masse d'itinérants se vautre autour d'un feu de poubelle. Certains tiennent une bière dans leur main. On sent les odeurs de joints dans l'atmosphère froide de la première vraie neige de l'hiver. Rien pour changer les idées que ce font les gens des itinérants.

Tous ces itinérants sont là pour l'État d'urgence, de l'Action terroriste socialement acceptable (ATSA). Chaque année, l'organisme activiste qui s'attaque à l'environnement, la pauvreté et l'ignorance politique tient cette événement où des chapiteaux servent de refuge, de cafétéria, et de lieux d'expression artistique. Le tout gratuitement. Rien de moins.

Mais la réalité me saute en pleine face avant même d'arriver sur les lieux de l'événement. Une jeune punk quête dans le métro. Un passant lui lance de se trouver un travail. "C'est ce que je fais, travailler" lance-t-elle en réponse. L'homme poursuit sa marche tout en continuant d'argumenter avec l'itinérante, sans vraiment faire attention à ce qu'elle lui répond. Les deux veulent tenir leur bout, et n'en arrivent à rien. L'homme, avec qui je monte les escaliers roulants, me lance que les itinérants ont déjà des endroits pour se nourrir gratuitement, et qu'ils ne quêtent que pour s'acheter de la drogue.

En sortant de la station Berri-UQAM, la réalité me poursuit. Un itinérant à qui j'ai refilé deux cigarettes la veille est là, et n'a pas l'air dans son assiette. Je lui jase ça un peu : "Qu'est-ce que ça symbolise pour toi l'État d'urgence?" Somme toute, c'est selon lui une bonne idée, et surtout un bon endroit pour les tiens pour le temps que ça dure... Lui ne dormira pas là, et n'a même pas profité de la nourriture gratuite sur place. Il n'avait pas faim, il s'est réveillé avec une migraine qui l'a poursuivi toute la journée.

Je rentre sur les lieux de l'événement. Un autre itinérant vient me quêter une cigarette. Bonne occasion pour ouvrir la conversation. Il m'explique qu'il a un travail, mais qu'il consomme. Il sait qu'avec son travail, il pourrait se trouver un appartement. Mais avec les centres d'hébergement et les roulottes de distribution de nourriture, ça lui permet de garder son argent pour sa consommation... Ça porte un peu à réflexion ça, non? Et encore une fois, rien pour apaiser les préjugés...

Il me raconte qu'une fois, à une roulotte de distribution de repas, un itinérant plein de pisse et de merde s'est fait retourner de bord, vu son odeur dérangeante et son état mental peu normal. "Il va où ce gars-là une fois qu'il s'est fait retourner de bord partout. C'est supposé être pour les gens comme lui ces endroits-là" de s'exprimer mon nouvel ami itinérant.

Somme toute, après avoir jasé avec quelques uns d'entre eux, on se rend compte que ces gens ne sont pas si différents. Du moins, ils ne sont pas "les autres". Ça, c'est la perception qu'on a. Mais ces gens de la rue, ils ont une opinion, ils savent parler, être sympathiques, se faire des amis, faire la fête, prendre soin d'un chien, travailler, avoir des migraines, et sourire aussi. Oui, j'en ai vu des sourires.

Gabriel.

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