Il y a quelques jours, j’ai entendu Claude Guéant justifier ce qu’il convient de qualifier des appels subliminaux au Front national. De l’air de celui qui ne perd pas son temps à épiloguer sur des petites phrases, il concluait son intervention par un ferme « je travaille ».
J’ai cru alors assister à une de ces scènes qui font tout le piquant de nos rues : quelque piéton, qui proteste alors qu’un camion lui refuse le passage sur un passage protégé, s’attire de la part du chauffeur cet argument sans réplique : « moi, j’travaille ! ». Dans l’esprit de ces forçats de la route, quiconque déambule par les rues en pleine journée ne peut être que quelque oisif vivant de ses rentes et de la sueur des humbles prolétaires.
Ce qui est cocasse en l’occurrence, c’est de constater que Monsieur Guéant, plus (j’allais dire habile, je rectifie) plus enclin à gloser qu’à agir, éprouve, comme un simple chauffeur, le besoin d’affirmer qu’il travaille, ce dont on peut douter quand on voit les résultats obtenus par un président qu’il conseille depuis plus de quatre ans. On n’a pas à se glorifier de travailler lorsque l’on fait partie d’une France que l’on aime, que l’on veut voir prospérer et dont on entend préserver les valeurs proclamées par sa devise. Travailler est une façon « d’aimer la France ».
Il ferait mieux de penser un peu aux millions de personnes qui n’ont pas, comme lui, la chance d’exercer un métier qu’elles auraient choisi et qui, elles, ont le droit de considérer le travail comme une servitude. À sa modeste place de ministre, plutôt que de s’acharner à diviser les Français, il serait mieux inspiré d’améliorer une sécurité en si piteux état si l’on en croit celui qui en a la charge depuis bientôt dix ans. Et surtout, au sein du gouvernement qu’il a intégré tout récemment, au lieu de se laisser aller à des phrases scandaleuses, qu’il utilise son énergie et son travail pour en fournir aux millions de chômeurs qui n’ont qu’un souhait, trouver enfin un emploi.