Vik Muniz, artiste dont la réputation n’est plus à faire, travaille les déchets. Il en compose des portraits qui font sensation (Mona Lisa en beurre de cacahuètes) .Né en 1961 au Brésil, il a vu son destin basculer le jour où voulant intervenir dans une bagarre à Sao Paulo, il prend une balle dans la jambe. Par chance, dit-il, l’homme qui a tiré est riche et lui offre une somme très généreuse pour le dédommager. Vik Muniz part aux Etats-Unis.
Sa réputation faite et sa fortune établie, il repart au Brésil avec un projet artistique qui le conduit dans la plus grande décharge à ciel ouvert du monde, Jardim Gramacho, à Rio dont le fruit de la vente sera intégralement reversé aux contadores, les trieurs de déchets qui œuvrent dans les ordures.
Pendant trois ans, Lucy Walker, cinéaste, a suivi Vik Muniz dans son projet, L’artiste va travailler en collaboration avec quelques trieurs de déchets. Les contadores ont été intégrés à la démarche de Muniz, ils ont participé au processus créatif avec une grande sincérité. A partir de leurs portraits mis en scène au milieu de la décharge, ils vont les rehausser d’ordures et leur faire changer de sens.
Le documentaire « Waste land » suit ses hommes et femmes qui passent leur vie au milieu de la décharge depuis leur plus jeune âge et parfois de père en fils. Mais il permet aussi d’entrer dans l’organisation de cette ville dans la ville. Iles contadores sont beaux et magnifiques de dignité. : Tiao, le jeune et charismatique responsable de l'Association des ramasseurs de déchets recyclables ; Irma, la cuisinière, qui assure la tambouille sur le site même de la décharge ; Zumbi, l'intellectuel, qui récupère les livres et a créé une bibliothèque communautaire ; Suelem, qui, à dix-huit ans, attend son troisième enfant ; Valter, gourou et poète, qui ravit son auditoire par ses histoires ; Isis, passionnée de mode et qui hait son travail... Il y a du rire, il y a des larmes, il y a la vie..
La question est posée de la responsabilité de l’artiste lorsqu’il implique la vie des autres jusqu’à la faire basculer. L’artiste n’a pas eu ses états d’âme et il a eu raison. A Londres, l'une des oeuvres est mise aux enchères chez Phillips de Pury Une magnifique exposition est ensuite présentée au musée d'Art moderne de Rio. Les trieurs de déchets passent sur le devant de la scène médiatique.
Le film ne tombe jamais dans l’excès. Pas de pathos, pas d’autosatisfaction et surtout pas de misérabilisme, en cela réside la grande force de ce documentaire.
Certains critiques de cinéma (Télérama – Le Monde,…) ont eu des états d’âme avec la démarche artistique de Vik Muniz, lui reprochant un certain paternalisme, allant même jusqu’à poser une question incongrue : « N'est-ce pas démagogique, obscène même d'associer les plus pauvres à un projet artistique qui peut bouleverser leur vie sans la changer vraiment ? ». Mais où sont-ils aller chercher cela ? Ceux-là devraient sortir de leur rédaction et aller sillonner le monde, ils ont une vision des hommes assez étrangère à la réalité. Le film « Waste Land « , nominé aux Oscars 2011, a obtenu le prix du public au festival Sundance.