Le Parti sociali
Le rejet massif et répété du sarkozysme ne doit pas laisser penser que l’élection présidentielle de 2012 est d’ores et déjà jouée. De nombreuses incertitudes pèsent encore sur le PS lui-même : qui sera son candidat ? Quel projet celui-ci défendra-t-il ? Comment candidat et « projet du parti » s’articuleront-ils ? Etc. Rien n’est tranché à un an de l’élection majeure ! Et les mêmes qui resservent depuis des mois l’argument de la campagne courte (« à l’américaine » entend-t-on même parfois !) montrent que non seulement ils ont manqué plusieurs épisodes de l’histoire électorale de la Ve République (et de celle des Etats-Unis accessoirement) mais surtout qu’ils n’ont rien compris, au fond, à la nature même de l’élection présidentielle. Une candidature à la présidentielle se prépare, se peaufine, se pense… longtemps à l’avance, et les Français le savent très bien, ils voient toujours venir de loin les candidats à la présidentielle même s’ils ne sont pas obsédés par celle-ci comme le sont les commentateurs.
Ces cantonales sont riches d’enseignements non par ce qu’elles nous disent sur le PS lui-même – finalement peu de chose à part de confirmer qu’il s’agit bel et bien d’un grand parti d’élus locaux – mais par les informations qu’elles nous donnent sur les obstacles extérieurs auxquels devra faire face le PS d’ici à 2012. Il y en a au moins quatre à la lecture des résultats des cantonales, tous venant de « forces » politiques qui ont progressé significativement lors de ces élections locales.
Le premier, c’est évidemment l’abstention. Depuis une dizaine d’années, le PS gagne les élections (locales) où l’abstention est forte et surtout progresse. C’est un constat inquiétant car cela signifie que malgré les votes de rejet de la majorité en place, on est (encore ?) loin d’un votre d’adhésion au PS. Et il n’est pas totalement certain, pour dire le moins, que la présentation annoncée par Martine Aubry du programme du PS dans quelques semaines déclenche l’adhésion des masses. Pas plus qu’on ne peut être sûr que les primaires permettront cette vaste « mobilisation populaire » que leurs promoteurs exaltés nous vendent depuis des mois.
Le deuxième obstacle, ce sont les écologistes (Europe-Ecologie-Les-Verts, EELV) qui ont progressé significativement lors de ces élections. La première raison est structurelle : le noyau dur de l’électorat PS (urbain, diplômé, CSP moyennes et supérieures…) est peu ou prou le même que celui d’EELV. La seconde conjoncturelle : l’actualité nucléaire japonaise pourrait bien servir d’auxiliaire électoral aux écologistes en rabattant vers eux une partie de ce « noyau ». Et comme pour confirmer ce double constat, on a vu récemment Martine Aubry faire copine-copine avec Cécile Duflot et déclarer que « le nucléaire est une énergie dangereuse et qu’il faut le prendre en compte. » (28/03/11). Une chose est claire désormais, on sait qui déterminera le premier point de l’ordre du jour des négociations entre les deux partis dans les mois qui viennent. L’affaire pourrait d’ailleurs encore se compliquer pour le PS si Nicolas Hulot décidait de se lancer dans la bataille. Son potentiel électoral s’il est pour le moment largement inconnu pourra difficilement être inférieur à celui d’Eva Joly. Un candidat écolo qui ferait au premier tour de l’élection présidentielle un score plus élevé qu’à l’habitude représenterait une menace directe pour le candidat socialiste compte tenu de l’effet de vases communicants de leurs électorats.
Le troisième obstacle, c’est le Front de gauche. La nouvelle dynamique apportée par Jean-Luc Mélenchon au Parti communiste pourrait bien s’avérer elle aussi problématique pour le PS au premier tour de la présidentielle – même si au second, comme pour les écologistes, le report vers le candidat PS s’il est qualifié sera à n’en pas douter massif que ce soit contre Sarkozy ou Le Pen. Le créneau du FG dans l’élection qui vient sera clairement celui de l’abandon des classes populaires par le PS et de la condamnation de sa dérive « libérale » et mondialiste. Et si Mélenchon réussit à convaincre le PC qu’il pourra lui apporter une dynamique supérieure à un candidat, moins médiatique et issu de son sein, pour négocier ensuite ses circonscriptions législatives avec le PS, les communistes n’hésiteront pas à le soutenir. Mélenchon pourra ainsi reprendre son antienne populiste de gauche qui lui a bien servi ces derniers mois pour apparaître comme le contrepoids de gauche au candidat PS.
Enfin, quatrième obstacle, le Front national lui-même ou plutôt Marine Le Pen. Il s’agit d’un obstacle pour le PS parce que s’il se confirme qu’elle réussit à maintenir sous la ligne de flottaison la candidature de Sarkozy (ou du remplaçant de celui-ci à droite) en laissant penser qu’elle sera candidate au second tour contre la gauche, une partie de la droite pourrait bien la rejoindre, sinon publiquement du moins dans les urnes, et lui donner la possibilité de faire un score élevé dès le premier tour de la présidentielle. Cette perspective la conduirait à ordonner toute sa campagne contre le candidat du PS qu’elle serait en quelque sorte assurée de retrouver au second tour. Or un tel face-à-face, sans punching-ball sarkozyste entre les deux, pourrait s’avérer destructeur pour le candidat PS si celui-ci était conduit, par réaction, à se retrancher sur la position du « tout économique et social » face au « tout identitaire » que ne manquera pas de lui imposer Le Pen.
Filed under: Gauche, Parti socialiste, Politique