Pour son premier passage chez l’oncle Sam, Susanne Bier signe une grosse production hollywoodienne mélodramatique. Mais la Danoise ne se dégonfle pas et relève ce défi pourtant risqué au premier regard. Avec son double sujet -le deuil et la toxicomanie- un peu casse gueule, elle fera de Nos Souvenirs brûlés un film plein de pudeur et de réalisme mais peut être un peu trop mélo.
Connue pour l’extrême fluidité de ses mises en scène, Susanne Bier était selon Sam Mendes, producteur de son état, LA personne qu’il fallait pour ce film. « Elle utilise la caméra portée et colle de très près aux personnages […] ce qui l’intéresse et ce qu’elle scrute avec passion, c’est l’être humain dans ce qu’il a de plus intime. » explique ce dernier. Et de l’intime, il en faut pour ce film basé sur l’émotion. Un mélo comme on en fait plus ! Pleins de sentiments ! Mais parfois trop de sentiments, tue le sentiment et fait surtout de ce long métrage un drame langoureux, un mélo trop appuyé. On a la larme à l’œil et la goutte au nez du début jusqu’à la fin. Déprimés s’abstenir !
Audrey et Jerry, interprétés respectivement par Halle Berry et Benicio Del Toro, sont deux personnages à la dérive, que dis je au bord du gouffre. L’une porte le deuil de son mari, tué par accident, lors d’un acte de violence gratuite alors qu’il allait acheter des glaces. L’autre est un toxicomane au regard flou. Sa bête noire à lui, c’est la drogue. Maintenant, vous allez sûrement me demander ce qui les rapproche, car après tout pourquoi, une femme ayant une bonne situation accueillerait un drogué chez elle. Ces deux là ont tout simplement une connaissance en commun, le mari défunt d’Audrey Burke, n’était autre que l’ami de Jerry le toxyco. Audrey et Jerry sont deux âmes en peines qui ont besoin de réconfort, le besoin d’être épaulé, tel est la raison qui les unira.
Et ceux sont de belles recrues, que Susanne Bier, à trouver pour incarner ces personnages dévastés. Halle Berry souhaitait vraiment avoir le rôle d’Audrey, même si à la base, ce personnage n’était pas destiné à une actrice afro-américaine. Mais Susanne Bier sera séduite par une Halle Berry au naturel, décoiffée et sans maquillage. La réalisatrice sera impressionnée par sa prestation. Comme quoi quelques fois, une bonne dose de culot et de naturel suffit. Benitio Del Toro, quant à lui, possèdera la même volonté que Halle Berry. Il paraît même qu’il passa énormément de temps à se documenter sur la dépendance des drogues et assista à des réunions de l’association Narcotics Anonimous, pour mieux posséder son personnage. Si ça ceux ne sont pas des acteurs engagés ! Benitio Del Toro nous offre ainsi une prestation remarquable, troublant de réalisme, par son regard lointain et flou, son corps perpétuellement en nage, dévasté par la drogue.
Cependant, même si Halle Berry est héroïque dans le costume de la femme en deuil, et Benicio Del Toro, dans celui du drogué, ces personnages ne manquent pas d’être écrasés par leur lourd pathos, et tombent à la limite des clichés. Pour l’un, les scènes de manque se répètent et se prolongent jusqu’à ce que nous même fassions une overdose, et en ce qui concerne l’autre, on presque envie de lui dire que : d’accord ton mari est mort mais la vie continue !
Ainsi malgré la touche de Susanne Bier avec ses gros plans intimistes, voire artistiques, sa mise en scène fluide, son sens du montage syncopé et haletant, le film trouve ses limites, notamment dans ses quelques longueurs. Et même s’il transmet une émotion permanente, le mélo est un peu trop soutenu. Pourtant la marque de fabrique de la réalisatrice est la même, sa caméra est toujours au plus près des corps et des visages. Elle avait déjà prouvé ses talents avec les même sujets de la perte, et de la mort, dans son précédent film After the wedding, où on tombait moins dans le cliché et dans le mélodramatique, peut-être a-t-elle été un brin influencée par Hollywood. En tous cas, ce que l’on ne lui reprochera pas c’est d’avoir fait un film émouvant pour le grand public.
Note Shotactu : 5/10
La bande annonce :
Maëva Levay