Dans 13 mois, on remet ça

Publié le 28 mars 2011 par Alteroueb

Les urnes sont closes depuis longtemps, les bureaux rangés, le matériel remisé. Les analyses paraissent : chaque camp a gagné. Les candidats élus sont heureux, et remercient une dernière fois tous ceux qui leur ont permis ainsi de passer ou de rester dans un autre monde. L’électeur, lui, retourne à son quotidien, banal, difficile, oppressant, angoissant. Les belles paroles, les engagements, les promesses, c’est déjà fini. La sentiment d’avoir fait son devoir dans la plus grande démocratie du monde s’estompe vite, très vite, pour faire place à l’indignation d’être constamment oublié par ceux qui briguent suffrages et honneurs…

Ca fait longtemps que je suis envahi par cette impression bizarre et détestable de n’être caressé dans le sens du poil que lors des échéances électorales. Mais ce dimanche, ça a même été à la limite de la nausée, devant ma télé, en regardant l’excellente émission qui suit le journal télévisé de 13 heures sur France 2. Le sujet évoquait l’assassinat de Georges Besse, alors PDG de Renault, par Action Directe, un groupuscule révolutionnaire et anarchiste connu pour son action violente et ultra-radicale…

A partir de là, le reportage plonge dans l’Histoire, et revient sur le parcours de Georges Besse. Polytechnicien, ingénieur des mines, il y est montré comme l’un des pères du nucléaire français. Mais on y distingue également toutes les turpitudes sur les montages financiers, et l’apport de l’Iran comme actionnaire et client dans Eurodif, société fondée par Besse, permettant l’enrichissement de l’uranium sur le site du Tricastin dans la Drôme. On y distingue également comment la France, après une révolution populaire et le renversement du Shah, après avoir hébergé et soutenu un sombre Ayatollah, a fait volte face et n’a respecté aucun des engagements auxquels elle était tenue. Elle a même armé puissamment l’Irak de Saddam Hussein, alors très respectable, dans un conflit de longue haleine avec l’Iran. Une aubaine.

Le retour de bâton ne s’est pas fait attendre. Le reportage montre des personnalités, Pompidou, Chirac, Giscard, Barre, Mitterand, Fabius, Dumas, Rocard, Pasqua, encore Chirac et quelques autres, tous parfaitement au fait des choses, balançant fadaises et langue de bois au sujet des otages, des attentats qui meurtrissent le cantonnement des troupes françaises au Liban et ensanglantent sauvagement Paris à intervalle régulier. Tous, avec leurs gueules de circonstance, feignant l’abattement, déplorent et jurent devant le peuple leur détermination à punir les poseurs de bombe… Pendant la terreur qu’ils ont eux-même sciemment provoqué, nos grands hommes, Chirac en tête, en ont même profité pour prendre quelques lois bien liberticides. Pour notre bien…

La suite ? La France manoeuvre, négocie et finit par payer sa dette, et récupère du coup ses derniers otages entre les 2 tours du scrutin présidentiel de 1988. Elle est également contrainte à livrer le précieux uranium, mais en cas de difficulté ou de mauvaise volonté, les hostilités peuvent reprendre sans préavis. Ce n’est pas pour rien que tout récemment, de nouveaux otages sont pris, notamment au Niger, curieusement là ou Areva, exploitant d’Eurodif, extrait de l’uranium… De petits soucis de livraison peut-être. Entre temps, on apprend qu’Action Directe a été tout simplement utilisé, commandité par l’Iran, pour éliminer le Général Audrand et Besse… Tant pis pour eux. Fin du reportage, fin du cauchemar.

Je pense aux otages d’hier et d’aujourd’hui, à leur proches, et à toutes les victimes des attentats ignobles, morts ou blessés à jamais, dans leur chair, mais surtout dans leur esprit, par la faute inexcusable de la classe politique dans son entier, par son affairisme, son besoin continuel de se montrer, par son absence absolue de la plus élémentaire clairvoyance. Quand je parle de nausée, le mot est faible. En ce jour d’élection, et dans 13 mois à nouveau, il va falloir choisir un homme ou une femme qui va présider aux destinées du pays. Il va falloir choisir un type qui, en pleine connaissance de cause, aveuglé par la lumière du pouvoir, les mains dans le sang jusqu’aux coudes, vend des armes aux tyrans et crie au fou quand il les utilise…

Je n’en peux plus de cette politique abjecte, je n’en peux plus de ces hommes corrompus jusqu’à la moelle. Se rendre compte qu’on vote depuis 30 ans pour ce genre de sinistres personnages m’a rendu malade toute l’après-midi. Le rejet absolu de ce grand gâchis humain ne me conduira jamais à voter FN, ni à m’abstenir quand on me demande de m’exprimer. On a 13 mois pour faire passer le message : fini, basta, on ne veut plus jamais de cela. Mais j’ai déjà l’impression de prêcher dans un désert.

Le même ou se trouvent Hervé, Stéphane, depuis 454 jours, et les 4 restants du Niger, depuis 6 mois. Je pense à eux.