Titre : La bascule du souffle
Auteur : Herta Müller
Editeur : Gallimard
Nombre de pages : 308
Date de parution : 30 septembre 2010
Auteur :
Herta Müller, née en 1953 dans le Banat roumain au sein de la minorité germanophone, vit en Allemagne depuis 1987. Elle est l'auteur de plusieurs romans, récits et essais. Son oeuvre fut couronnée par d'innombrables prix littéraires, dont le plus prestigieux, le prix Nobel de littérature, en 2009.
Résumé :
Nous sommes en Roumanie, en janvier 1945 : la population germanophone de Transylvanie vit dans la peur de la déportation. Cette mesure, exigée par le nouvel allié soviétique de Bucarest, vise une population soupçonnée d'avoir soutenu l'Allemagne nazie pendant la guerre. Le jeune Léopold sait qu'il est sur la liste. II prépare sa petite valise, des affaires chaudes, quelques livres, puis, quand la police roumaine vient le chercher, à trois heures du matin, par moins quinze, il reçoit les mots de sa grand-mère " Je sais que tu reviendras " comme un viatique. L'usine de charbon, la tuilerie, la cimenterie, des baraquements élémentaires, une ration de pain et deux rations de soupe par jour, les diarrhées et les poux : tel sera le quotidien de Léopold pendant cinq ans. La bascule du souffle nous invite à lire la chronique terrifiante de ces années de froid, de faim et de découragement qui tuent dans un camp de travail en Russie. Mais la singularité du livre de Herta Müller réside dans sa faculté incomparable de transcender le réel, de l'illuminer de l'intérieur. Sous sa plume, le camp devient un conte cruel, une fable sur la condition humaine. Ici les arbres parlent, le ciment boit, la pendule a mal à son ressort cassé, la faim voyage dans le corps d'un ange, et le coeur, dans une pelle. Herta Müller souhaitait écrire ce livre à quatre mains avec le poète germano-roumain Oskar Pastior - le modèle de Léopold - mais ce projet fut interrompu par la mort de Pastior. La prose de Herta Müller, poétique et maîtrisée, sèche et puissante, toujours surprenante, lui rend hommage de la plus belle manière qui soit. Certes, La bascule du souffle aborde un tabou historique, mais s'impose surtout comme une oeuvre de portée universelle. Un événement bouleversant.
Mon avis :
La couverture et le titre du livre sont particulièrement en cohérence avec le récit. Parce que l'auteur joue est à la limite entre la poésie et le drame (fleur, froid), elle nous tient sur le fil entre le rêve et la réalité, à deux doigts de la bascule dans l'horreur.
Herta Müller a choisi un thème qui la touche particulièrement puisqu'elle fait raconter à Léo ses cinq années de détention dans un camp de travail en Russie. Effectivement, à la fin de la guerre, les Russes ont envoyé en camp de travail les allemands de Roumanie. ce fut le cas de la mère de Herta et d'un ami, le poète Oskar Pastior. C'est grâce à eux que Herta Müller a pu concrétiser ce récit.
Bien entendu, elle témoigne de la difficulté de vie dans ces camps (la faim, les poux, le froid, les travaux pénibles et dangereux, la mort) mais ses descriptions longues et poétiques favorisent l'optimisme;
Même la faim omniprésente est personnifiée en ange.
Léo est un être courageux. Il se remémore sans cesse la phrase de sa grand-mère "Tu reviendras". Son seul sentiment négatif naît lorsqu'il apprend la naissance de son frère, jaloux que sa mère lui ait substitué un fils.
Quand il est enfin libéré, on comprend toute la difficulté de la réinsertion. Il est difficile de retrouver une vie normale, d'avoir un rapport sain avec la nourriture. Une autre phrase le hante alors "J'y ai été".
Je souhaitais découvrir cette auteure, à la suite de son Prix Nobel et je suis ravie d'avoir lu cette finesse d'écriture, ce style poétique et onirique, cette bascule fragile entre la réalité et l'espoir.