Ai-Cameroun - Près de cinquante tonnes de coton à destination du Nigéria ont été saisies à Wafango dans l'arrondissement de Mokolo, région de l'extrême-nord, le 17 Mars dernier par le Sous-préfet Viang Mekala.
Alors qu'il se trouvait en tournée de prise de contact dans les localités de Tourou, Matakam Sud, Houla, Wanday et en route pour Zamay, la délégation qu'il dirigeait a fortuitement rencontré un convoi de huit motocyclistes transportant des ballots de coton et roulant à vive allure vers le Nigéria voisin.
Le premier motocycliste, après avoir percuté le véhicule du Sous-préfet a réussi à prendre la fuite mais ses compagnons de voyage, bien qu'armés de couteaux et de machettes, ont été immédiatement maîtrisés par l'Adjudant-chef Baudelaire Mana, le Commandant de Brigade de Gendarmerie de Mokolo, le Commissaire spécial de Police et leurs collaborateurs. Pendant que les contrebandiers étaient gardés à vue, les motos, elles ont été conduites à la fourrière. Cette saisie cadre bien avec les récentes prescriptions gouvernementales transmises aux trois gouverneurs du Grand Nord Cameroun et qui imposent que le coton produit au Cameroun soit exclusivement vendu à la Société de Développement du Coton (Sodecoton) qui ravitaille l'usine de la Cotonnière Industrielle du Cameroun (Cicam), principale productrice du tissu pagne du pays.
Les planteurs, eux, préfèrent vendre au Nigéria voisin où le kilogramme est acheté à prix d'or. En 2001, la Sodecoton achetait le kilogramme à 200 FCFA alors qu'il était acquis au Nigéria à 500 voire 1.000 FCFA. Et pour faciliter cette contrebande, les hommes d'affaires Nigérians n'ont pas hésité à ériger divers points d'achat le long de la frontière très poreuse entre les deux pays.
" nous n'avons rien contre nos frères du Nigéria, mais le fait de ne pas vendre votre coton à la Sodecoton voudrait dire que vous voulez voir cette société qui vous a accompagné depuis l'indépendance du pays fermer ses portes ", a déclaré le Sous-préfet.
Epineux problèmeLa Sodecoton travaille en partenariat avec près de 250.000 producteurs et 2000 groupes d'initiatives communes, ce qui ne facilite pas pour autant les choses. Le Directeur exécutif de la Sodecoton Nouhou Ahmadou a fait savoir que certains producteurs doivent près de 2,5 milliards de FCFA à l'entreprise " car ils prennent des crédits sous forme d'intrants pour produire le coton mais ils les utilisent également pour produire leur maïs ou les arachides "..
La filière coton depuis quelques années traverse une zone de turbulences due à la baisse du prix d'achat du coton graine aux producteurs et à la hausse graduelle du prix des engrais ajoutées aux tensions de trésorerie de la Sodecoton. De 303.822 tonnes en 2004/05 la production ne cesse de chuter : 220.574 tonnes en 2005/06, 187.453 tonnes en 2006/07, 111.030 tonnes en 2007/08 ; 110.000 tonnes en 2010 mais l'on espère produire 150.000 tonnes en 2011.
L'aide de l'Etat, mauvaise utilisation !Pour encourager les producteurs, l'Etat leur a octroyé 6,8 milliards de subvention en 2010, la première depuis 1974 ce qui a permis aux bénéficiaires d'acquérir des intrants dont les engrais devenus inaccessibles pour eux. La tonne qui se vendait à 290.000 FCFA en 2008/09 avait atteint la barre de 340.000 FCFA alors que paradoxalement la tonne de coton fibre qui se vendait à 813.000 FCFA ne coûte plus que 609.000 FCFA.
Le coton Camerounais se vend plus à l'extérieur et seulement 5% de la production est cédée à la Cicam et près de 200 milliards de FCFA sont nécessaires à la Sodecoton chaque année pour acquérir du coton auprès des producteurs, elle-même ne disposant pas de champs de coton.
Difficile dans ces conditions de contenir ces contrebandiers toujours à la recherche effrénée du gain.