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Monter une boite et vivre de sa passion ?

Publié le 27 mars 2011 par Paul

Monter une boite et vivre de sa passion ?

Aujourd’hui un petit constat sans prétention, 5 ans après la constitution de ma société, destiné à tout ceux qui « veulent se lancer ». Initialement je voulais simplement « vivre de ma passion », rien de révolutionnaire, j’avais des idées, un budget, des projets, etc. Au départ, comprenez la première année, tout était merveilleux, je m’éclatais vraiment à gagner de l’argent en faisant des choses qui me plaisaient. Comme toute personne dotée d’un minimum d’ambition, il fallait que je gagne de plus en plus d’argent, plus, plus, plus… beaucoup plus ! A vrai dire il fallait « simplement » que je fasse évoluer mes recettes en fonction de mes dépenses : je n’envisageais pas de faire l’inverse. Dès lors les clients se sont succédés, les factures étaient honorées et les projets fusaient de toutes parts dans ma tête. A l’heure actuelle rien n’a fondamentalement changé, une seule ombre est venue se glisser insidieusement dans le tableau : je n’ai plus guère de temps pour « exercer cette passion ».

Monter une boite et vivre de sa passion ?
Trop de gens s’arrêtent hélas aux apparences du chef d’entreprise qui a la belle vie, débarque au bureau à 10H avec les croissants, bosse quand il veut, fixe son propre salaire, rend visite aux clients avec son coupé sport et se soucie surtout de ses prochaines vacances sur la croisette : les stéréotypes ont décidément la vie dure ! En réalité 10H serait plutôt l’heure à laquelle je me couche et espérer vendre quelque chose à un client en débarquant au volant de sa 599 GTB serait bien surréaliste. Non la vérité vraie c’est que la passion n’est exercée plus que de manière très sporadique, en réalité je passe le plus clair de mon temps à rédiger des courriers, factures, faire des virements et de la comptabilité. Toutes ces tâches de gestion se sont immiscées dans mon quotidien. En plus des tâches de gestion sont venues se greffer les nombreuses formalités administratives : elles n’ont de « formalités » que le nom. Les calculs et règlements de la TVA, impôt sur les sociétés, taxe professionnelle, etc. En cinq années, mes principaux interlocuteurs, à l’exception de quelques clients lorsque l’occasion se présente, sont le RSI, les greffes du tribunal de commerce, les banquiers et mon expert-comptable. Je me retrouve donc assis là, le cul posé sur mes fesses, à être sournoisement rattrapé par mes études de comptabilité/finances. Études que j’avais pourtant arrêté pour « vivre de ma passion » si vous vous souvenez bien.
Monter une boite et vivre de sa passion ?
Au final la passion est toujours là, peut être même plus que jamais, mais je ne l’exerce que du bout des doigts… faute de temps. Jour après jour on essaie tant bien que mal de se convaincre que toute cette lourdeur administrative n’est que passagère : c’est faux ! On en vient même à fantasmer sur un jour sans courrier dans la boite à lettres, un jour sans téléphone, un jour 100% passion, un jour… rien qu’un seul… comme au début ! Un jour qui n’arrive jamais, sauf le dimanche, vous verrez à quel point vous vénérerez le dimanche… même si tout est fermé. Y’a t-il un plus beau jour que le dimanche ? Tiens d’ailleurs aujourd’hui c’est dimanche, ce jour de repos qui me permet d’écrire ces quelques lignes. Juste après il faudra que je songe à clôturer le bilan comptable de la société… nettement moins reposant. Alors après tout ça il y a l’argent, bien sûr l’argent ! La passion sera peut être différente mais alors ce qui est sûr c’est que l’argent vous en entendrez parler sans cesse. De l’argent il en rentrera beaucoup, du moins c’est tout le mal que je vous souhaite, il en sortira aussi pas mal (glop) mais alors qu’est ce que vous en brasserez !
Monter une boite et vivre de sa passion ?
Cependant tout n’est pas négatif, l’expérience n’en reste pas moins très enrichissante tant sur le plan personnel que professionnel. Généralement la vie privée est mise à mal durant les premières années, il faut bosser, bosser et bosser tout le temps. Mon numéro de téléphone personnel est aussi mon numéro professionnel afin de ne jamais perdre le rythme. Il faut toujours être proche de ses clients et avoir pas mal de mémoire… ou tout noter, même les choses les plus anodines car ceux qui vous font vivre apprécient les petites attentions. Appeler assez régulièrement le client, pas seulement 2 jours avant l’envoi de la facture, prendre des nouvelles de sa fille qui devait se marier ou de son père qui se faisait hospitaliser, etc. Il est vraiment important d’entretenir une certaine proximité avec ses clients, juste ce qu’il faut, pas trop non plus car des situations demanderont un jour ou l’autre une certaine fermeté. Que ce soit en semaine ou le week-end, la frontière entre mon boulot et ma vie privée est très mince, il faut savoir faire beaucoup de compromis, se rendre à l’inauguration du nouveau magasin d’untel ou à l’apéritif de départ à la retraite d’un autre. En gros il faut « se montrer » de partout, se faire connaitre et prendre des contacts : les relations de vos relations sont vos relations. Par exemple, mon prochain client, je l’ai rencontré un dimanche sur une spéciale de rallye ! Cinq années au cours desquelles j’ai eu l’occasion de rencontrer des personnes vraiment passionnées par ce qu’elles font, des personnes qui ont su m’accorder leur confiance et qui sont toujours là aujourd’hui : j’aime lorsqu’une personne vient me voir avec son projet auquel elle croit, malgré toutes les difficultés qui peuvent se présenter. Je crois qu’il faut bien garder à l’esprit que tout n’est pas argent et tout ne se facture pas. La seule chose qui m’importe c’est de croire au projet du client afin qu’il soit satisfait du résultat. Quelque part je me donne un peu l’impression de faire avancer le monde, à ma façon et à mon niveau. Voilà, je ne vais pas m’éterniser davantage puisque de toutes façons il n’existe pas de recette miracle.

Voici quelques modestes remarques qui, d’après mon expérience personnelle, ou plutôt professionnelle, ont l’air de fonctionner…

- Adapter la tenue vestimentaire et le discours en fonction du client. Débarquer en Porsche&Rolex n’est généralement pas recommandé.
- Envoyez vos vœux par courrier pour la nouvelle année et pourquoi pas un petit cadeau si le budget vous le permet.
- Toujours charmer subtilement la femme du client, c’est souvent elle qui a les moyens d’influencer son mari.
- Négocier une autorisation de découvert d’au moins 10% de son chiffre d’affaires mensuel dès le départ.
- Être rasé nickel, les clients n’apprécient pas vraiment le côté « ténébreux » d’une barbe de deux jours.
- Joindre un courrier « d’adoucissement » à votre facture car le client n’est pas qu’une pompe à fric.
- Faire travailler ses clients en achetant chez eux, même si c’est plus cher et moins pratique.
- Inviter ses clients au restaurant en essayant de les mettre en contact avec d’autres clients.
- Ne négligez pas les « petites rentrées régulières » au profit des gros contrats plus juteux.
- Encaisser ses clients le plus tôt possible et payer ses fournisseurs le plus tard possible.
- Fuir comme la peste les prélèvements automatiques, surtout pour les cotisations.
- Expédier ses factures « papier » le dernier jour du mois précédent la facturation.
- Les sujets qui intéressent vos clients vous intéressent aussi : foot, politique, etc.
- Votre banquier est votre meilleur ami uniquement quand vous avez de l’argent.
- Démarcher par mail ou par téléphone est aussi utile que pisser dans un violon.
- Les termes techniques ne passionnent que vous, absolument que vous…
- Trouver des apporteurs d’affaires et les rémunérer comme il se doit.
- Emprunter pour financer les amortissements de vos immobilisations.
- Surveiller de manière obsessionnelle son fonds de roulement.
- Gonfler volontairement les factures mais afficher une remise.
- Donner l’impression au client d’être à son service H-24.
- Être ponctuel, un peu d’avance ne fait pas de mal.
- Éteindre son portable en rendez-vous.
- Choyer ses fournisseurs.

Et lorsque que vraiment rien ne va comme il le faudrait, rien de chez rien, que vous en êtes à votre deuxième boite d’ibuprofène et que les banquiers vous harcèlent à grands coups de lettres fort peu sympathiques, lâchez tout sur le champ et sortez vous changer les idées, une heure, une semaine ! De gros problèmes financiers il y en aura mais il faut toujours relativiser parce que finalement l’argent ça va, ça vient… un jour plein aux as, le lendemain endetté jusqu’au cou ! Parce que gardons bien à l’esprit que « la suprême récompense du travail n’est pas ce qu’il vous permet de gagner, mais ce qu’il vous permet de devenir ». A chacun son exutoire, moi généralement je sautais dans la voiture avec mon appareil photo, je roulais comme un tocard et je revenais à pied, sans permis et sans photo

Monter une boite et vivre de sa passion ?

Aller le devoir m’appelle, bon dimanche !


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