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Les éléphants de la rue de la Noue : Balades à La Rochelle (31)

Publié le 27 mars 2011 par Sheumas

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Au détour de deux grandes artères, avenue Général Leclerc d’un côté et Chemin des Remparts de l’autre, ils avancent la grâcieuse « molesse » d’un jeune éléphant » comme l’écrit Baudelaire. La Rochelle n’est pas une de ces villes comptoirs de l’Inde où le commerce s’affiche dans la diversité de ses moyens de transport. Les oreilles sculptées de ces éléphants de pierre ne balancent pas au milieu de la foule cosmopolite, mais elles affichent dans la mémoire de la cité, ce souvenir des liens entre La Rochelle et la Côte d’Ivoire.

   Le capitaine au long cours Arthur Verdier (dont le nom figure sur le monument aux côtés de ses deux associés Amédée Brétignère et Marcel Treich-Laplène) débarque en 1863 dans la ville de Grand-Bassam à bord d’une goélette chargée de pacotilles. Il crée des relations avec des tribus locales et jette ainsi les bases d’un comptoir d’échange avec la Côte d’ivoire...

   Les effluves de café flottent encore au-dessus de la petite place aux palmiers où les éléphants sont désormais pétrifiés, gardiens jaloux des trois négociants dont les noms restent gravés. Rêvons un moment de paresse en écoutant ce poème de Leconte de l’Isle intitulé « Les Eléphants »

Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs.
Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes,
Lés éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes
Vont au pays natal à travers les déserts.
D'un point de l'horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit,
Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes.
Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps
Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine
Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine
Se voûte puissamment à ses moindres efforts.
Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche,
Il guide au but certain ses compagnons poudreux ;
Et, creusant par derrière un sillon sablonneux,
Les pèlerins massifs suivent leur patriarche.
L'oreille en éventail, la trompe entre les dents,
Ils cheminent, l'oeil clos. Leur ventre bat et fume,
Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume ;
Et bourdonnent autour mille insectes ardents.
Mais qu'importent la soif et la mouche vorace,
Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ?
Ils rêvent en marchant du pays délaissé,
Des forêts de figuiers où s'abrita leur race.
Ils reverront le fleuve échappé des grands monts,
Où nage en mugissant l'hippopotame énorme,
Où, blanchis par la Lune et projetant leur forme,
Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs.
Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent
Comme une ligne noire, au sable illimité ;
Et le désert reprend son immobilité
Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent.

Rues le 21 (7) [1600x1200]


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