Une comédie rondement menée, mais où ?
J’ai vu il y a quelques jours le dernier film de François Ozon : Potiche (oui, ce n’est pas une nouveauté, mais vous êtes habitués à mes décalages temporels). Je m’attendais à une fantaisie lourdaude voire indigeste. Hé bien, pas tout-à-fait.
Certes, ce n’est vraiment pas le film du siècle, ni le meilleur d’Ozon. Mais il est assez drôle, et ça déjà, c’est assez appréciable. Probablement grâce au casting et à la direction d’acteurs. On a déjà vu Catherine Deneuve s’amuser et on sait que ça lui va bien. Ici encore ça se vérifie ; il faut la voir se métamorphoser de mémère-rombière en femme de tête élégante et innovante, sous les yeux stupéfaits d’un Fabrice Lucchini dépassé.
Pour la finesse par contre on repassera. Les personnages (et c’est aussi un des ressorts de leur comique) sont schématiques, stéréotypés, tracés en trois traits appuyés. Les tenues finissent de les figer, dans leurs caractères, tout comme dans l’époque, la fin des années 70. Mais là, n’en voulons pas au réalisateur, l’époque giscardienne elle-même semblait se caricaturer. Couleurs criardes, convictions étriquées, société sclérosée, rongée de clichés patiemment endurés : la femme à la maison, gavée d’électroménager, la secrétaire sexy qui laisse le patron lui toucher les fesses (ou plus), l’homme forcément conquérant, qu’il soit conservateur ou progressiste.
On assiste donc à un gentil dynamitage de cet ordre établi, et bien sûr, ça fait du bien. La potiche devient la femme d’affaire et aide d’autres à s’émanciper. Mais tout est ludique, bien calibré, coloré, chanté même (comme dans 8 Femmes déjà) ; alors la critique sociale perd de sa force de frappe et fait ressembler le film à un roman-photo rigolard mais somme toute inoffensif.
En fait, j’aime beaucoup, forcément, le message du film (: vive l’émancipation des femmes !) mais je ne comprends pas bien son traitement : Ozon voulait-il délivrer une comédie sans prétention, un film du dimanche soir ? Ça me paraît surprenant vu les ambitions habituellement plus élevées du cinéaste. Voulait-il vraiment parler du rôle des femmes dans la société ? À ce moment-là, pourquoi situer son film à cette époque qui permet de penser en riant (bien rassurés) “ah, dieu merci, les choses ont bien évolué !”) ? Voulait-il parler de cette époque-là ? Dans ce cas, pourquoi rester aussi caricatural et priver, en même temps que de toute nuance la moindre possibilité d’impact émotionnel ?
Voilà. J’ai apprécié ces petites vignettes colorées et amusantes. Mais je n’ai pas compris qu’en faire. On feuillette un magazine, on sourit, on le ferme puis on l’oublie. C’est ce qui se passera je pense avec ce film, et ça m’étonne d’Ozon.