Dans l'oeuvre touffue du trompettiste suisse Erik Truffaz, voila un album qui fera date. Découvert à l'automne 2010, ce 13ème opus a plutôt recueilli les suffrages, bien que rarement présent dans les référendums pop de fin d'année. Est-ce du à l'obédience jazz de son auteur ? Probablement.
Que les néophytes se rassurent néanmoins : point de sonorités abruptes ni disonnantes ici. Au contraire, In Between offre un mood des plus apaisé, et nombre de mélodies flattent l'oreille. De fait, cet opus ressemble fort au crossover rêvé entre jam instrumentale et classicisme de bon aloi, comme l'aurait défndu feu maître Capello.
"The Secret of the Dead Sea", longue plage planante ouvre de fort belle façon le disque de façon aquatique ; et ces entrelacs de guitare brisée et de trompette bouchée sont un régal. On se surprend à songer et à regretter les douces terres prog ambiantes que nous offrait jadis le groupe Tanger.
Mélancolique en diable, Truffaz a le bon goût d'inviter la chanteuse Sophie Hunger sur les deux morceaux chantés de In Between, dont le très beau "Let Me Go !", qui lui se joue d'un format plus ouvertement pop ; on pourrait songer à du Tindersticks, ou même à du PJ Harvey période To Bring You My Love.
"Mecanic Cosmetic" est une infernale tournerie faite de feedbacks et de larsens aux accents particulièrement cinématographiques et dans laquelle la trompette étonnamment en retrait ne sert que de fine retouche à un leitmotiv lancinant limite psyché. Placé au centre du disque, le morceau titre fait reprendre sa place de choix à l'instrument vedette et dénote un cool que Miles Davis soi-même n'aurait pas renié : musique faite de balais, de basses rondes, de Hammond voluptueux, et d'un break saturé absolument soufflant en son sein.
Ce qui fait la part d'originalité et d'inattendu de cet album tient aussi à la présence de styles différents et qui le font "respirer" . Peut-être In Between ne serait pas la réussite qu'il est sans ce score inoui que constitue le jazz-rock digne des meilleurs scores du génial Michel Colombier, j'ai nommé le chaloupé et impeccablement groové "Lost in Bogota".
Impeccablement exécuté, cette piste nous ramène à l'époque rêvée où l'on ne pouvait fureter les notes de pochette de disque jazz-funk sans y trouver les noms des Claude Engel, Jannick Top ou Jean Schultheis. Après pareille déflagration, les quelques titres restants paraitront presque pâlichons en comparaison. Mais de bienvenues giclées de Fender Rhodes et un swing souple et sexy sont là, qui sans surenchère, illuminent ce très bel ouvrage.
En bref : l'album crossover qui réconciliera une forme très épurée de jazz, avec un parti pris de la mélodie pop parfaitement assumé. Ou le talent qui n'a pas besoin d'esbroufe pour s'exprimer.
"Let Me Go" :
"In Between" :