Rio, Ville Merveilleuse...et hors de prix !

Publié le 25 mars 2011 par Tinkofr
"Aquele abraço", superbe hymne de Gilberto Gil sur notre Cidade Maravilhosa, début ainsi : "O Rio de Janeiro continua liiiiindo"...La chanson date déjà de 1969. S'il l'avait écrite en 2011, nul doute que le grand Gilberto aurait pu ajouté un couplet "O Rio de Janeiro virou caaaaro" ("Rio de Janeiro est devenue chère") ! Chère en l'occurence est un euphémisme, on pourrait presque affirmer que Rio est devenue, en quelques années seulement, une ville inabordable, tant pour ses habitants qui cherchent à se loger ou y travailler, comme pour les touristes !
Trois exemples parmi tant d'autres :
- Le marché immobilier d'habitation carioca a simplement explosé : les prix se sont enflammés, pour quasiment doubler en seulement deux ans ! En 2010, la hausse moyenne est estimée à plus de 40%, et certains quartiers (en particulier Barra da Tijuca, le Miami moderne mais moche) auraient même vu leurs prix croître de plus de 60% ! J'ai jeté un oeil ce matin dans les pages "Imoveis" du Globo, et je suis tombé à la renverse :  un deux-pièces sur Ipanema est annoncé à 1.030.000 R$ (440.000 €), un autre à Leblon est affiché à 1.380.000 R$ (590.000 €) ! Ne parlons pas des appartements plus luxueux : un 350 m² à Leblon de nouveau est à 8 millions de R$, soit 3,5 millions d'€ ! 10.000 € le mètre carré ! Certes, nous sommes dans les quartiers les plus chics de la ville, mais même si l'on s'en éloigne un peu, les prix restent tout de même très élevés, comme ce 4 pièces à Botafogo de 160 m² affiché à 2 millions de R$ (900.000 €).

Leblon, c'est bonbon pour se loger...


- Si se loger à Rio est devenu incroyablement onéreux, que dire de l'immobilier d'entreprise ? Selon l'étude annuelle du cabinet Cushman & Wakefield, le coût d'occupation moyen de bureaux en 2010 s'est accru de...47% dans la capitale fluminense, faisant désormais de Rio de Janeiro la 4ème ville la plus chère au monde (elle était 13ème en 2009) en la matière. Rio devant New York ou Paris, et ville la plus onéreuse du continent américain, qui l'eût dit il y a seulement 3 ans ?  
- L'hôtellerie n'est évidemment pas en reste, puisqu'un très récent "ranking" établi par le site Hotels.com montre que le prix moyen de la nuitée à Rio a augmenté de 30% en 2010, soit la plus forte hausse mondiale après Macao (je ne sais pas ce qu'il s'est passé dans la cité qui sent le sang écarlate, qui a crû de son côté de 40% !), et s'établit désormais à 314 R$ (133 €), soit le tarif le plus élevé de tout le Brésil. Plus fort encore, Rio est aujourd'hui la deuxième destination la plus chère au monde dans la catégorie "hôtels 5 étoiles" : il vous faudra débourser en moyenne 1.146 R$ (485 €), et seul Big Apple vous coûtera plus cher (532 € par nuit) !

Le Fasano, 1.800 R$ la nuit en moyenne...


Et là j'ai envie de dire : mais comment en est-on arrivés là ?! Selon moi, les raisons d'un tel boom (d'une telle bulle, ça y est j'ai lâché le mot !) sont principalement de trois ordres :
1. Une situation économique favorable : 7% de croissance l'année dernière, une monnaie forte, une inflation à peu près maîtrisée (5,5% en 2010), des investisseurs étrangers qui arrivent en masse, un accès au crédit quasi généralisé (une grande première dans un pays qui reste profondément marqué par les années d'hyper-inflation d'avant le "plan Real" -1993), l'incroyable manne du pétrole sous-marin aux larges des côtes de l'Etat fluminense, tout est dit, n'en jetez plus ! Le Brésil, et Rio encore plus, ont la cote, et forcément, cela impacte notablement la cherté de notre Ville Merveilleuse.
2. Une baisse incontestable de la violence et de l'insécurité : Rio, qui reste dans l'imaginaire des gens associée à favela, trafics, kidnappings, assaltos (les agressions en pleine rue) s'est considérablement améliorée en matière de lutte contre l'insécurité. Il faut mettre cela au crédit du gouverneur de l'Etat de Rio, Sergio Cabral (et sa superstar, le secrétaire à la Sécurité, José Maria Beltrame, élu pas plus tard qu'hier "personnalité de l'année" par le quotidien O Globo), qui a innové en la matière en mettant en place le fameux programme des UPP (Unités de Police Pacificatrices, postées durablement dans les favelas de la ville).  J'aurai l'occasion très prochainement de revenir sur Rio et la violence, mais tous les cariocas vous le diront : la ville est beaucoup plus sûre aujourd'hui qu'il y a quelques années (sans parler des années noires, entre 1985 et 1995), et cela contribue évidemment à doper la cote d'amour de la ville, en particulier des étrangers qui sont de plus en plus nombreux à y acquérir des biens immobiliers.

José Maria et ses copains de la Police...


3. L'imminence d'évènements sportifs de répercussion mondiale : je veux bien entendu parler de la Coupe du Monde de Foot de 2014 et des Jeux Olympiques d'été de 2016. Les bénéfices que Rio va en tirer, en matière de transports urbains, d'infrastructures hôtelières, de constructions immobilières, sans compter l'incroyable couverture médiatique et les moyens financiers alloués par les organisations (FIFA, CIO...), sont une source certes conjoncturelle, mais indéniable, de croissance des prix de la métropole dans tous les domaines déjà évoqués.

Le logo des JO 2016 : bof...


Dans ce contexte, et au vu de l'emballement général, la question qui vient évidemment à l'esprit est la pérennité de ces hausses : s'agit-il d'un "rattrapage" finalement logique si l'on considère l'incroyable cadre de vie général de Rio (soleil, mer, plage, montagnes...), où n'est-on pas plutôt déjà au-delà du raisonnable, dans un Etat (celui de Rio) où le salaire moyen culmine à 1.300 R$ (550 €) par mois, cet au-delà du raisonnable étant alimenté par un sur-optimisme ambiant des investisseurs de tous ordres, porté en particulier par les évènements sportifs évoqués ci-dessus ? Vous l'aurez compris, bien que j'adore mon Rio, j'ai bien peur que l'on soit en train de connaître une période (trop) dorée, et que l'atterrissage post-2016 soit des plus douloureux...Puisse le futur (pour une fois ;) me donner tort !