Depuis 1973, entre la France et l’énergie nucléaire, c’est un peu une histoire d’amour. A peine sorti du premier choc pétrolier, la crainte d’une baisse de la production de charbon fait son apparition. Pierre Messmer, premier ministre de George Pompidou, décide alors de lancer un gigantesque programme de «nucléarisation» de la France. Ce sont plus d’une trentaine de centrales et plus d’une soixantaine de réacteurs qui sont maintenant sortis de terre. Le hasard faisant bien les choses, le fleuron de l’industrie du nucléaire se retrouva ainsi parmi les plus grandes entreprises françaises. Areva et EDF, pour ne pas les citer.
Car lorsque l’on parle de nucléaire en France, nous ne sommes plus dans un simple débat idéologique mais dans un véritable conflit d’intérêts où les paramètres économiques côtoient de près les éléments scientifiques et techniques. Malheureusement, les événements récents au Japon viennent de changer la donne. La question sécuritaire, si longtemps considérée comme mineure, refait surface sur le devant de la scène. L’imprévu refait son apparition. Il a toujours fait parti de notre quotidien et il le continuera sans doute longtemps, mais on s’étonne encore. Quelques décennies auparavant, on nous promettait même que les «calculs» prévoyaient une catastrophe tout les 300 000 ans. Avec deux accidents majeurs en 25 ans, il serait sans doute préférable de revoir la copie d’urgence.
Financièrement parlant, comme d’habitude, il y a des gagnants et des perdants. Et on les connaît. Mais il faut admettre que même idéologiquement, le sujet divise. Les écologistes eux-même ne sont pas épargnés. Si les plus agités et les plus visibles d’entre eux, comme Greenpeace ou Sortir du Nucléaire, savent se faire remarquer, nombreux sont ceux qui, dans l’ombre, ont supporté le nucléaire comme le moins pire des choix. Car il ne faut pas dire qu’il n’a pas d’avantages ! Avec des rendements jusqu’à un million de fois supérieur, l’uranium 235 surpasse de loin tout autre combustible fossile. Mais malheureusement, dans notre affaire, l’expérience et l’histoire pourrait se charger de trancher à notre place. Le nucléaire fait parti des rares exceptions où l’erreur n’est pas acceptable.
Tchernobyl, plus grande catastrophe industrielle jamais enregistrée, en avait déjà convaincue certains. Le «no man’s land» toujours en place et les taux de radioactivité des régions alentour peu recommandables y sont peut être pour quelque chose. En plus de quoi, des économistes affirment que la Biélorussie dépenserait encore 20% de son budget national pour les conséquences de l’accident. Bien que cette somme soit faramineuse, les résultats sont peu concluants. C’est notre impuissance face à nos propres technologies qui est ici la plus frappante. A force de jouer les Dr Frankenstein, notre créature ne semble plus nous obéir.
Mais de nos jours, les catastrophes font de plus en plus partie du décor. L’année dernière, BP nous offrait la marée noire du siècle, maintenant c’est au tour de Tepco de faire des siennes. Si les tabloïdes ne manquent pas de largement couvrir les événements, quelques semaines suffisent pour faire passer la pilule dans les esprits. En revanche, si l’on observe les événements dans leur chronologie, il n’y a maintenant plus de doutes, la technologie nucléaire est dangereuse et nous ne sommes pas en mesure d’en garantir le bon fonctionnement. Moi même divisé sur ce sujet depuis longtemps, Fukushima montre l’évidence. Les contraintes sécuritaires sont un réel souci. Peut-on accepter de vivre la peur au ventre ?
Mais alors, Quelles solutions s’offrent à nous ? Bonne question, car c’est là que le débat devient plus compliqué. Premier point, il est évidement irréaliste de penser à une sortie du nucléaire à court terme en France. Nous avons historiquement mis tout nos oeufs dans le même panier et vouloir le supprimer d’un coup ne sera sans doute pas très agréable. En revanche, sur le long terme la question est plus intéressante. Mais si beaucoup parle de se passer du nucléaire, il est important de comprendre les conséquences d’un tel acte. Dans un monde ou la contrainte énergétique se fait et se fera de plus en plus forte, se priver du nucléaire constitue une belle épine dans le pied et aura des impacts non négligeables.
Le premier d’entre eux sera la hausse des prix de l’électricité. Rappelons tout de même que la France est un des pays où le prix de l’électricité est le plus bas au monde. La semaine dernière le journal de France 2 faisait même état d’une augmentation immédiate de 55% en cas de sorti du nucléaire. Somme nous près à ça ? La question reste entière. Second point ; quelles seront les énergies de substitutions ? Comme les renouvelables n’auront évidement pas la capacité d’absorber le choc, ce sera le charbon, le pétrole ou le train de vie du français moyen qui sera mis à contribution. Et là étrangement, si vous avez la franchise de dire qu’il faudra vendre la voiture, oublier les voyages au Maroc et le dernier iPad, je me demande combien de militants seront encore près à s’agiter contre le nucléaire.