Fin du Voyage au bout de la nuit. Robinson, le double de Bardamu, meurt, assassiné par Madelon. Assassiné par la sentimentalité plutôt.
On a là une scène intéressante. Deux couples à la fête foraine. Du côté de Bardamu et Sophie, il n'y a pas de sentiments, mais du désir et du vice. Ils projettent une partie carrée avec Robinson et Madelon, puis quand ils voient que ça ne fonctionne pas, rêvent d'aller tous au bordel.
De l'autre, Madelon qui ne rechignait pas à la bagatelle non plus quand elle était une fille saine. Elle a cédé tout de suite à Bardamu, la première fois qu'il l'a vue, dans le caveau qu'elle lui faisait visiter, puis ils ont gentiment cocufié Robinson pendant tout le séjour du narrateur.
Seulement, voilà le problème, elle ne veut plus s'amuser, elle est devenue sentimentale. Ecoutez ses discours à son fiancé. Tu m'as volé mon cœur. Je suis une fille propre, moi, vous, vous êtes une bande de cochons, ne comprenez rien à ce qui est propre et beau.
Bref, elle veut Robinson pour elle toute seule et lui est décidé à ne rien entendre, fatigué. Du coup, pan, elle l'assassine d'un coup de revolver.
On voit bien où est la santé mentale, pour Céline. L'amour est un frottement d'épiderme, et pas une rêverie au clair de lune. Il se déploie dans la satisfaction des instincts et la sexualité même un peu tordue. Dans la vérité de l'intime, des fantasmes et de besoins.
Et où est la perversion: dans le romantisme, les grands sentiments, les discours théâtraux affectés, joués, repris, la soumission à la norme sociale, collective.