62,12% d'abstention dans mon canton dimanche dernier pour les élections cantonales. 62,12%. Les bobos étaient trop occupés à manger des huîtres en terrasse ou à profiter de la dernière neige en montagne pour daigner voter. Rien à foutre du Conseil Général, si ça se trouve, ils ne savent même pas ce que c'est. Ou alors, ils ont assez d'argent pour ne pas avoir à se soucier des problèmes de solidarité sociale ou d'aménagement du territoire. Je pencherais plutôt pour cette deuxième option.
Moi, ça me scie une jambe, ce genre de comportement. Est-ce que tu sais ce que cela m'a coûté de devenir française pour avoir le droit de voter? Longtemps, j'ai cru que j'étais française parce que j'étais née en France, parce que je parle un français soutenu, longtemps j'ai cru qu'à 18 ans, on me donnerait ma carte d'identité, comme les autres, et que je pourrais aller voter, comme les autres.
C'était sans compter sur la loi Pasqua de 1994, qui m'a gentiment rappelé, la veille de mes 18 ans, que mes parents étaient étrangers et qu'il fallait que je manifeste ma volonté de devenir française. Un truc de fou. Pendant que les copines révisaient la philo pour le Bac, j'avais rendez-vous au tribunal pour jurer sur la tête de ma mère et du Bon Dieu réunis que j'avais tout bien fait comme il faut depuis ma naissance et que j'avais été sage, tout ça pour obtenir une CNI, le sésame pour aller voter.
13 ans plus tard, quand j'ai voulu renouveler ma carte d'identité, c'est-à-dire, échanger l'ancienne contre une nouvelle plastifiée, alors que j'avais déjà un passeport français valide et tout et tout, on m'a encore demandé un certificat de nationalité française, sait-on jamais, j'aurais pu devenir terroriste entretemps.
Tout ça pour dire qu'il y a plein de gens comme moi qui ont dû subir ces petites humiliations ordinaires pour avoir le droit de voter en France, c'est une fierté immense de pouvoir accomplir ce devoir en tant que citoyen français. Et j'avoue qu'en tant que Française de coeur, à défaut d'être de souche, je me désole de constater ce désintérêt flagrant alors que merde, les Tunisiens, les Libyens aimeraient juste être à notre place en ce moment! On s'auto-congratule d'être un modèle de démocratie républicaine pour ces pays et on n'est pas foutu de faire preuve de conscience citoyenne, trop préoccupés que nous sommes par le crédit de notre écran plasma ou le forfait UV adéquat pour être plus bronzé que jamais en avril...
Bon, alors, tu vas me faire plaisir et tu vas te bouger la fesse, tu feras un détour dimanche vers le bureau de vote, ça te prendra 10 minutes dans ta pauvre journée, de toute façon elle sera déjà écourtée par le changement d'heure, tu ne seras plus à ça près!
Ah! Une dernière chose : moi aussi, en 2002, ça m'a fendu le coeur de devoir voter Chirac, et je peux te dire qu'il ne nous a pas fait de cadeau en échange. On a même hérité d'un nain de jardin de carnaval comme successeur, on ne méritait pas tant. Mais entre ça et le bleu marine, il n'y avait pas photo. Alors, évite de te poser trop de questions, parfois il faut faire des choix difficiles, mais je compte sur toi pour faire le bon.