Ces modes venues d’ailleurs…

Par Hubjo @conseilresto

Le mois d’Août. La moisson. Paris. Musée de Cluny

(suite)

Le petit pois est la grande folie de cette époque. Audiger le découvre au cours d’une mission en Italie aux environs de Gênes et en remet une petite quantité au roi à son retour à Paris en 1660 :

 » Le roi se trouvait au Vieux Louvre, raconte Audiger, dans « Maison réglée ». Sa Majesté se trouva pour lors accompagné de Monsieur et de plusieurs grands seigneurs de la Cour qui tous s’écrièrent que rien n’estoit plus beau et plus nouveau et que jamais en France on n’avoit rien vu de pareil pour la saison.. Monsieur le Comte de Soissons prit mesme une poignée de pois qu’il écossa en présence de Sa Majesté et ils se trouvèrent aussi frais que si on fust venu les cueillir. Sa Majesté, ayant eu la bonté de m’en témoigner sa satisfaction, m’ordonna de les porter au sieur Beaudoin, contrôleur de la bouche et de luy dire d’en donner pour faire un petit plat pour la Reine, un pour le Cardinal et qu’on lui conservas le reste et que Monsieur en mangeroit avec elle ».

Près de quarante ans plus tard, le petit pois est toujours à la mode. Dans une lettre du 10 mai 1696, Madame de Sévigné écrit, peu de temps avant sa mort :

« Le chapitre des pois dure toujours ; l’impatience d’en manger, le plaisir d’en avoir mangé et la joie d’en manger encore sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours. Il y a des dames qui, après avoir soupé avec le roi, et bien soupé, trouvent des pois chez elles pour manger avant de se coucher, au risque d’une indigestion ».

Souper fin par Moreau le Jeune

Pour sa part, La Quintinie a porté certaines de ses recherches sur la salade. Un hygiéniste du temps explique que « les salades humectent, rafraichissent, rendent le ventre libre, concilient le dormir, ouvrent l’appétit, tempèrent les ardeurs de Vénus et apaisent la soif ».

La culture des oranges en serre est aussi l’une des passions du Grand Siècle. Louis XIV apprécie beaucoup cet arbre et fait construire, par Mansart, l’orangerie de Versailles. Dès 1651, Madame de Sévigné écrit :

« Nous fûmes à Clagny, c’est le Palais d’Armide. Il y a un bois entier d’orangers dans de grands caisses ; on s’y promène sous les allées où l’on est à l’ombre et pour cacher les caisses, il y, des deux côtés, des palissades à hauteur, toutes fleuries de tubéreuses, de roses, de jasmins et d’œillets ».

La Quintinie parviendra bientôt à retarder la floraison des orangers qui donnent des fleurs au parfum suave et portent parfois des fruits, rarement comestibles cependant. Pour la table on en importe du Portugal.

Anne d’Autriche raffole des oranges. Pour lui plaire, le Cardinal de Mazarin fait fréter de Lisbonne la première récolte par un service de poste spécial.

Les citrons plaisent également beaucoup à la Cour. On raconte que « les dames portent sur elles des citrons doux qu’elles mordent de temps en temps pour avoir les lèvres vermeilles ».

Le génie de La Quintinie ne s’exerce pas moins dans les vergers où il sélectionne les meilleures variétés de chaque fruit : pour les poires, la Louise-bonne, le Beurré-Isambert, le Beurré Gris, la Virgouleuse, la Robine, la Cuisses-Madame, la bergamotte rayée.

Pour les pommes, sept variétés seulement ; pour les pêches, la violette hâtive, le pavé de Pomponnne, le téton de Vénus, la belle de Vitry.

Il y a encore des prunes, des cerises, des fraises que le roi aime tout particulièrement ainsi que les figues. Ce que l’on peut ne faire pousser, on le fait venir : les raisins de table arrivent à dos de cheval dans des caisses garnies de son. Ce sont les chasselas de Bar-sur-Aube ou muscat de Touraine.

La religion influence beaucoup l’alimentation. C’est ainsi que pendant le carême, le dessert, comme au Moyen-Age se compose de quatre fruits que l’on appelle  » les quatre mendiants », parce qu’ils évoquent la couleur des robes de bure de ces ordres.

Dans un sermon prononcé devant Louis XIII, le Père André le Boullanger explique :

« Les Franciscains capucinaux représentent des raisins secs ; les Récollets sont comme les figues; les Minimes ressemblent à des amandes avariées et les Moines déchaux ne sont que des noisettes vides ».

Cette comparaison jugée irrévérencieuse lui vaudra six mois de suspension sur un arrêt du Grand Conseil.

Le repas de la Reine au royaume de la Quintessence

(à suivre…)