Le transport aérien se prépare ŕ payer cher sa mauvaise réputation en matičre de respect de l’environnement. Dans quelques jours, la Commission européenne va établir la synthčse de rapports demandés aux administrations de l’aviation civile des Vingt-Sept, prélude ŕ l’instauration dčs 2012 d’un programme de réduction des émissions de CO2. Un programme punitif, lesdites émissions étant payantes au-delŕ d’une limite forcément arbitraire.
Pour les seuls membres européens de l’IATA, il en coűterait d’entrée plus d’un milliard de dollars par an, d’autant que les quantités de CO2 rejetées dans l’atmosphčre par les avions commerciaux devraient impérativement diminuer de 3% dčs 2012. Et de 50% dans les dix ans.
L’objectif est louable et, en męme temps, irréaliste. Il témoigne d’une méconnaissance totale des fondements de l’aviation civile et, surtout, du rythme inévitablement lent du renouvellement des flottes. De plus, les avancées techniques, bien que réelles, sont lentes ŕ devenir réalité, faute de Ťrupture technologiqueť, c’est-ŕ-dire de grandes innovations qui, du jour au lendemain, permettraient de concevoir des moteurs dont la consommation de kérosčne serait notablement en recul. Rien de tel n’est en vue.
Reste le fait qu’ŕ petites touches, des progrčs sont enregistrés. On constate en effet que la consommation spécifique des moteurs de nouvelle génération diminuent grosso modo d’un p.c. par an et que CFMI (Snecma et General Electric) d’une part, Pratt & Whitney, d’autre part, viennent de mettre sur le marché des propulseurs qui promettent une nouvelle réduction de 15%. Ce sont eux qui vont propulser l’Airbus A320 NEO, livrable ŕ partir de 2016, le Bombardier C.Series, le Comac C919 chinois et le MS 21 russe.
C’est ŕ l’initiative de politiques rarement bien entourés, voire notoirement incompétents (un pléonasme !) que les premičres frappes contre le CO2 vont ętre lancées sans plus attendre, cela en s’appuyant sur un raisonnement bancal, voire entičrement faux.
On oublie en effet de souligner que le transport aérien est ŕ l’origine de 2,6% ŕ peine des quantités totales d’émissions de CO2 imputables aux activités humaines. En toute logique, l’aviation ne devrait donc pas ętre une cible prioritaire, d’autant que les industriels annoncent, preuves ŕ l’appui, de sensibles améliorations
Par ailleurs, la durée de vie opérationnelle des avions commerciaux, au minimum 25 ŕ 30 ans, est incompatible avec les objectifs retenus par les politiques. C’est lŕ l’effet pervers du trop fameux ŤGrenelle de l’environnementť, exercice franco-français qui a induit l’opinion publique en erreur : le transport aérien est, par essence, totalement mondial et aucune rčgle ne peut ętre imaginée ŕ l’échelle d’un seul pays, tout simplement parce qu’elle n’aurait pas de sens et serait inapplicable.
S’il était possible de se transposer l’espace d’un instant en 2030 ou 2040, et de passer un dimanche ŕ Orly ou ŕ Roissy, qu’y verrait-on ? Beaucoup d’Airbus A320, NEO ou pas, des Boeing 737, ou encore des A380, A350, 747-8 et 787. La relčve serait ŕ peine ébauchée, parce que telle est l’amplitude dans le temps ŕ prendre en compte, une réalité économique et industrielle.
Entre-temps, il faudra subir affirmations gratuites, promesses en l’air, contre-vérités. Mais, heureusement, la durée de vie des politiques est minuscule par rapport ŕ celle des avions. Qui se souviendra, exemple choisi au hasard, qu’un certain Jean-Louis Borloo, a été ministre de l’Environnement ? Qui pourra expliquer, dans quelques années, ce que fut le Grenelle de l’environnement ? Une appellation qui plus est parfaitement hermétique, dont personne ne devine la signification hors Hexagone. Ce qui n’empęchera pas les premičres frappes prochaines contre le CO2 aérien, dont on doit espérer qu’elles ne produisent pas d’irréparables dommages collatéraux.
Pierre Sparaco - AeroMorning