Je ne saurais dire quel est le premier western qui m’a fait plonger dans le genre. Danse avec les loups quand j’étais haut comme trois pommes ou à peine plus peut-être, mais on ne peut pas dire que ce soit un western classique, avec cowboys, gunfights, shérifs, saloons ou cavalerie. Peut-être étaient-ce alors les westerns qu’Eddy Mitchell programmait dans sa Dernière Séance… Quel que soit le film qui m’a le premier fait goûter au genre, il a réussi son boulot. Le western est un de mes genres préférés, un genre que je ne rate jamais en salles, même si le fait qu’il soit devenu une incongruité rare dans le cinéma américain aide à ne pas en manquer un, c’est sûr…
Ces derniers temps, les westerns ne se bousculent pas au portillon, non. S’il y en a deux dans l’année, c’est une grande année, c’est dire. Qu’y a-t-il eu comme grand western ces dernières années ? Ils se comptent assez rapidement. L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik et Open Range de Kevin Costner sont les meilleurs. 3h10 pour Yuma et Appaloosa se laissent regarder avec plaisir. On ne peut pas dire qu’il y a ait eu de quoi remplir des week-ends de cinéphile, à moins d’explorer les essais d’autres contrées, comme le jubilatoire Le bon, la brute et le cinglé venu de Corée. Heureusement que les classiques du genre sont là pour être redécouverts sur la grande toile blanche d’une salle obscure.
L’année dernière déjà, je m’étais laissé tenté par une redécouverte d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, et le moins qu’on puisse dire, c’est que je n’avais pas été déçu du voyage. Il y a quelques semaines, un autre western connu de tous avait droit à un dépoussiérage en copie neuve sur Paris : Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill. Ne l’ayant vu qu’une fois, à la télé il y a plusieurs années de cela, j’ai mis le cap sur la Filmothèque du Quartier Latin, qui devient un de mes repères préférés depuis quelque temps. C’est à se demander ce que j’ai glandé ces dernières années pour y passer si peu d’heures, dans ce cinéma à la programmation irréprochable.
Butch Cassidy et le Sundance Kid. Paul Newman et Robert Redford. Je pourrais presque écrire un bouquin sur ces deux acteurs là, un peu à la manière de ce que je mentionnais dans mon rapport à Sami Frey il y a quelques mois. Si l’acteur français préféré de ma mère a toujours été Sami Frey, je crois que je peux dire sans me tromper que Newman et Redford sont ses acteurs américains favoris. Avec Steve McQueen peut-être. Quand j’étais gamin, on ne ratait jamais un de leurs films à la télé, à Paulo et Bob. Le magnétisme au regard perçant de l’un, la beauté insaisissable de l’autre. De mon enfance, j’ai gardé ce respect pour les deux acteurs, comme un héritage de ma mère. On regardait Luke la main froide, La Tour Infernale, Les Trois jours du Condor, Jeremiah Johnson, Out of Africa… Oui, si l’on devait me demander quels acteurs ont bercé ma jeunesse, je citerais certainement Paul Newman et Robert Redford.
Alors pour moi, ils sont inséparables. Pourtant ils n’ont pas souvent tourné ensemble les bougres, deux petites fois. Butch Cassidy et le Kid était la première, en 1969. Newman approchait des 45 ans, Redford en avait onze de moins. Paulo était un habitué du western, avec déjà Le gaucher et Hombre dans sa filmo, quand Bob n’était pas plié au genre sur grand écran. Redécouvrir le film en copie neuve au cinéma a été une agréable réminiscence de mon enfance, conjuguée au plaisir de voir un bon western. Et si Butch Cassidy et le Kid est bon, c’est avant tout grâce à l’alchimie entre Newman et Redford. Newman, le leader débonnaire, Redford la fidèle fine gâchette. Un duo de bandits légendaire dont la complicité crève l’écran sous l’œil de George Roy Hill.
Mais au-delà des deux comédiens, le film surprend, par sa légèreté affichée, cet humour qui le parcourt, cette joie de vivre qui transpire de ces dévaliseurs amuseurs. Il surprend aussi par des partis pris scénaristiques, comme tout ce pan du film consistant en une traque de Butch et du Kid par de mystérieux et dangereux cavaliers, à travers le désert, à travers monts et rivières, entre comique et désespoir. George Roy Hill capte un changement d’époque, la société évolue sous les yeux des deux bandits, elle se dirige dans une direction qui va à l’encontre de ce qu’ils représentent. Ainsi la légèreté se transforme en amertume, même s’ils gardent le sourire aux lèvres, et nous avec.
Quel plaisir de les voir jouer ensemble, décidément, ces deux là. Dans la décennie qui a suivi, ils se sont retrouvés pour L’arnaque, l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma. Encore des hors-la-loi. Encore une alchimie évidente. Encore George Roy Hill, qui restera finalement le seul à les avoir réunis sur grand écran. Pendant des années, Newman et Redford ont parlé de refaire un film ensemble. Cela semblait évident. Les années ont passé, mais ce troisième film n’est jamais venu. Voilà bientôt trois ans que Newman est décédé. Avec lui est parti en fumée ce vieux rêve de les revoir ensemble en haut de l’affiche, Bob et Paulo. Il ne nous reste plus que L’arnaque et Butch Cassidy et le Kid. Dans la salle rouge de la Filmothèque, je me suis plongé dans leur western, dans cette course amère de deux antihéros affrontant les balles ennemies. La course pleine de joie de deux acteurs que je me suis appropriés. Leur troisième film ne viendra jamais, mais je le rêve quand même pour eux.