Nouveau film de Neil Burger, déjà réalisateur d’un Illusionniste faisant pâle figure face au Prestige de Christopher Nolan, Limitless est un thriller au pitch attirant. Cette histoire d’un loser tombant sur une pilule miracle lui permettant d’accéder à la totalité des capacités de son cerveau étaient en effet prometteuse. Malheureusement, malgré un départ dynamique, le film de Burger se perd très vite dans une intrigue bordélique et sans réel but.
Le mot qui pourrait le mieux qualifier Limitless est « frustrant ». Frustrant car au lieu d’exploiter correctement son pitch prometteur, le scénario se fourvoie dans une glorification gerbante du rêve américain dans ce qu’il a de pire. Sitôt ses « pouvoirs » décuplés, le héros laisse tomber l’écriture, pas assez payante, pour devenir un trader sans foi ni loi, conseiller d’un milliardaire avide (Robert de Niro, peu présent à l’écran mais pour une fois plutôt sobre). Il finit même par se lancer dans la politique, non par vocation, mais par soif de pouvoir (du moins on imagine, parce que le film ne donne aucune raison à ce choix). Burger semble d’ailleurs cautionner les agissements de son héros égoïste, manipulateur et prêt à tout pour s’assurer son petit coin de paradis. Cela aurait pu être une agréable surprise (un film dont le héros est une vraie ordure, ce n’est pas si courant), si le film avait autre chose à proposer et n’était pas rempli de trous béants.
Car même avec beaucoup de bonne volonté, difficile de passer outre les nombreux trous du scénario (les flics ne semblent pas enquêter sur le meurtre de l’ami d’Eddie, les effets secondaires des pilules sont un simple interlude sans plus de conséquences…). Difficile aussi de ne pas pester devant toutes les pistes intéressantes ne menant à rien. C’est peut-être d’ailleurs là que le film se révèle le plus frustrant, le scénario de Leslie Dixon (le remake d’Hairspray) enquillant en effet les bonnes idées rapidement avortées. Les trous de mémoires du héros ? Evacués en deux minutes par un simple « bon ben je prendrai moins de pilules ». La dégénérescence des autres cobayes ? Evacuée aussi par « bon ben je continuerai à prendre des pilules ». La lutte pour le contrôle du stock de pilules elle-même se résume à un pauvre mafieux russe et ses deux gardes du corps, et un homme de main adepte du couteau. Pas très flippant.
Néanmoins, le film a quelques atouts dans sa manche. D’abord un rythme soutenu qui fait que son visionnage passe comme une lettre à la poste, lui permettant de faire illusion le temps de la projection (après, c’est une autre histoire). Ensuite, il bénéficie grandement de l’interprétation du charismatique Bradley Cooper, qui arrive presque à rendre sympathique une ordure sans réelle personnalité et peu intéressant. Limitless profite aussi de quelques bonnes idées de mise en scène, notamment dans sa première partie, lorsque le héros découvre ses capacités, ou lors des journées accélérées. On retiendra aussi une scène dans laquelle la petite amie du héros (Abbie Cornish, sacrifiée sur l’autel de la petite amie bouche trou) utilise une pilule pour échapper à un poursuivant de façon fort originale. Et vers la fin, on en vient presque à croire que le film va prendre de l’ampleur et virer vers l’horreur pure lorsque le héros se met à boire le sang d’un des bad guys pour absorber la drogue diluée dans celui-ci. Une scène de pure folie malheureusement annihilée quelques minutes après par un final d’une rare insipidité, balancé en pleine face du spectateur en le laissant totalement sur sa faim.
Limitless fait donc illusion le temps de la projection, mais se révèle au final à l’image de son héros, une grosse coquille vide sans but, sans message et sans réflexion. On passe quasiment toute la fin de la projection ce qu’aurait pu donner un tel pitch entre les mains d’un Darren Aronofsky ou d’un Christopher Nolan, et on pleure de désolation.
Note : 4/10
USA, 2011
Réalisation : Neil Burger
Scénario : Leslie Dixon
Avec : Bradley Cooper, Robert de Niro, Abbie Cornish