5ème jour seulement depuis le début des opérations de la coalition en Libye, et déjà l’ambiance a tournée. Démarrée la fleur au fusil sur fond d’auto-satisfecit collectif à propos de cette “communauté internationale” qui aurait enfin pris une décision courageuse, cette intervention qui devait être courte, commence déjà à s’enliser dans le sable Libyen, alors que les “alliés” s’entredéchirent entre autre sur la question du commandement.
On peut d’ores et déjà parler d’un triple échec pour cette opération.
Echec de la diplomatie Française
Présenté comme le nouveau “leader du monde”, Nicolas Sarkozy a fait illusion pendant quelques jours.
Quelques voix se sont bien élevées ça et là dans le monde pour alerter sur l’agenda personnel du président français, notamment son niveau de mauvaise opinion exceptionnellement haut assorti d’un niveau de bonnes opinions exceptionnellement bas, quelques détails facheux ont été relevés dans la presse, notamment la manière dont la France a bloqué le démarrage des frappes aériennes alors que les forces de Kadhafi s’approchaient dangereusement de Bengazi, tout ça pour permettre a Sarkozy d’apparaitre comme celui qui lançait la guerre depuis le perron de l’Elysée à l’issue de la réunion des coalisés du samedi 19 mars.
Mais globalement Sarkozy et la France avec lui ont plutôt été bien accueilli, du moins du coté des soutiens de l’intervention. Mais très rapidement, les choses se sont gâtées :
Le discours va-t-en-guerriste de Sarkozy et de Juppé a été recadré dès le premier jour par les Américains, la Ligue Arabe, ainsi qu’un certain nombre d’autres alliés, forçant Le duo Sarkozy-Juppé à revoir son discourset effectuer un virage à 180°. On ne parle plus maintenant au Quai d’Orsay que de protéger les civils là où on prétendait au début aller bouter Kadhafi hors de Tripoli
Plus grave, la question du commandement des forces de la coalition est en train de cristalliser des tensions qui se focalisent contre le France.
Il faut dire que l’agitation de Sarkozy, sa manière de décider seul ainsi que ses objectifs très personnels inquiètent les autres membres de la coalition. L’Italie résume parfaitement la situation en disant qu’elle veut, via l’OTAN, une chaine de commandement unique pour surtout : éviter de se retrouver responsable d’une initiative prise de manière isolée par un des membres de la coalition…suivez mon regard !
Sur le New York times, un édito apostrophe Sarkozy pour lui demander d’arrêter de bloquer la transfert à l’OTAN et de fragiliser la coalition pour des raisons de politique intérieure française …
Après quelques heures de gloire, nul doute que la diplomatie française risque de se retrouver fort isolée à l’issue de cette aventure, surtout s’il se confirme que le volontarisme BHLo- Sarkozyen aura finalement entrainé le monde dans un nouveau bourbier ….
Echec de la communauté internationale
L’autosatisfaction française ne doit pas faire oublier que la résolution 1973 qui a donné le cadre à l’intervention en Libye est une des résolutions du Conseil de Sécurité les plus mal votées à ce jour.
Si on n’y regarde de plus près, c’est l’ensemble des puissances émergente qui n’a pas suivi : Chine, Inde, Amérique du Sud auxquels viennent s’ajouter la Russie.
Du coté africain, l’Union Africaine avait lancé un processus de médiation qui s’est trouvé bloqué de fait par l’intervention, même si maintenant les regards se tournent à nouveau vers elle pour chercher une sortie négociée de la guerre ….
La situation de la Ligue Arabe est plus compliquée. En effet c’est en se prévalant de son soutien que Sarkozy a pu convaincre Hillary Clinton d’intervenir, le US exigeant l’appui des pays arabes avant de soutenir tout type d’intervention en Libye.
On le sait, la plupart des pays membres de la ligue arabe sont des tyrans qui n’ont rien à envier à Kadhafi, leur seule différence avec celui-ci est d’être dans le giron US, à l’exception de la Syrie qui elle n’a pas soutenu l’intervention. Certain d’entre eux comme le Yemen ou le Barhein mènent en ce moment une répression sanglante contre leur propre population, qui n’a rien à envier à ce qui se passe en Libye.
On peut se demander en quoi leur soutien était nécessaire pour les Etats-Unis. Pour cela, il ne faut pas oublier les deux aventures désastreuses de l’ère Bush que sont l’Irak et l’Afghanistan et qui a vacciné l’opinion publique américaine et ses élus contre toute nouvelle guerre d’ingérence, du moins pendant un certain temps. Obama avait donc besoin de justifier d’une demande provenant du monde arabe pour faire passer une nouvelle guerre.
De plus, la déstabilisation de la Libye ouvre une fenêtre à l’empire américain pour s’approprier les ressources de pétrole de ce pays en établissant des alliances avec les prochains dirigeants de la Libye, encore faut-il bien sur en avoir chassé Kadhafi. Un nouveau groupe de dirigeants redevables et contrôlables, c’est quand même mieux qu’un indépendant imprévisible comme Kadhafi.
Du coté de la guerre d’influence que les US se livrent avec l’Iran dans la région, il est aussi important de laisser les mains libres au Yemen, au Bahrein et à l’Arabie Saoudite pour matter des rébellions aux couleurs un peu trop chiite au gout de l’Amérique.
L’épisode Kadhafi et sa médiatisation à outrance permettent de fait de détourner les opinions occidentales des violences et des massacres qui se commettent en ce moment chez les alliés de l’occident. D’une certaine manière, soutenir une intervention occidentale en Libye permet aux pays de la ligue arabe d’apparaître soutenir les mouvements démocratiques, tout en présentant leurs propres problèmes comme des affaires internes, différentes de celle de la Libye.
Tout cela devrait permettre in fine d’éviter la montée en puissance des chiites dans la région, notamment au Yemen, Barhein, Arabie Saoudite, ce qui pourraient renforcer le rôle du grand satan vert iranien.
On voit là toute l’ambiguité et l’inconfort de la position de ses membres qui explique les allez-retour de la Ligue arabe qui souffle le froid et le chaud sur son soutien aux opérations de la coalition.
Mais au delà de la désunion, et de l’absence de vision partagée au plan mondial sur ce qu’il fallait faire, le plus grand échec de la communauté internationale est, d’encore une fois, avoir considéré que la puissance militaire de l’occident suffirait pour régler la situation. Alors que depuis toujours les exemples abondent pour montrer que chaque fois qu’on a voulu sortir un tyran de force, il s’en est suivi des années de chaos : depuis l’Irak, l’Afghanistan, en passant par la Centrafrique ou encore Haiti.
Le véritable courage de la communauté internationale ne se jouait pas à intervenir ou ne pas intervenir, mais à mettre en place des sanctions économiques, de l’embargo strict, observé par tout le monde et éventuellement garanti militairement, de manière a asphyxier le dictateur. C’est moins spectaculaire, il faut une véritable unité internationale, et c’est long. Mais l’exemple de l’Afrique du Sud montre que ça marche.
L’autre véritable courage serait d’appliquer le même traitement à tous les pays. On en est loin et l’aventure Libyenne nous fait plutôt régresser.
Echec sur le terrain
Sur le terrain, la coalition a vite réalisé qu’elle était gênée aux entournures pour agir réellement. Aux questions strictement militaires : quels sont les buts de guerre ? à quel moment pourra-t-on dire que la mission est accomplie ? les politiques n’ont rien de concret à répondre. Tout se passe comme si les objectifs de la guerre étaient revus au jour le jour. Il est assez étrange pour nous français, de retrouver tout ce qui fait le coté brouillon et l’impréparation des initiatives de Sarkozy. On entraine le monde dans une guerre sans avoir aucune idée de où on va !!
Sur le terrain Libyen proprement dit, les opposants à Kadhafi ont pensé qu’après avoir été débarassés des avions de Kadhafi, il pourraient reprendre l’avantage. Ils se heurtent maintenant à une véritable résistance de l’armée loyaliste dont ils ne viennent pas à bout.
Quasiment ce n’est plus aucun pouce de terrain qui est gagné ou perdu par l’une ou l’autre partie. Nos politiques vont bien sûr tenter de nous faire croire le contraire, mais on appelle ça un enlisement.
Preuve que l’on veut commencer à nous préparer : Ce matin, Alain Juppé a déclaré que la guerre pourrait durer longtemps, alors qu’il disait le contraire pas plus tard qu’hier. La réalité finit par apparaître et qu’après s’être auto-éblouit des premières bombes, la magie du jeu vidéo finit de faire son effet.
Au passage, il faut noter que Obama ne peut engager les troupes américaines que pendant 90 jours, pour une intervention plus longue, il faut une décision du congrès. Celui-ci est loin d’être chaud pour l’aventure. Que se passera-t-il s’il refuse de suivre et si après ça le désastre Libyen est renvoyé à Nicolas Sarkozy son principal inspirateur ? et à la charge de la France, c’est à dire nous ?
Gageons que Nicolas Sarkozy sera déjà dans une retraite confortable, gagnée grâce aux fonds de campagne occultes,financés entre autre par Mme Bettencourt, qui lui auront permis de devenir président et d’en avoir les avantages jusqu’à la fin de sa vie. Mais c’est une autre histoire.