Jasper Johns au IVAM

Publié le 24 mars 2011 par Cardigan @onlyapartmentsF

L’écrivain Samoa Albert Hanover relate dans son étrange roman « la fille de la lumière » comment avant d’écouter l’histoire sur son dessin, il fumait seulement des Lucky Strike parce que le paquet lui faisait inévitablement penser à l’artiste américain Jasper Johns.

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Le jeu de mots de la marque américaine lui plaisait, qui permettait d’identifier en anglais la chance que le nom annonçait lorsque l’on allume une cigarette (to strike a match)  qui prenaient feu à la cigarette, et cela, de certaine façon, évoquait aussi Johns et son élégante ironie duchampienne qui s’illustre aussi admirablement dans des œuvres comme « le critique sourit », qui consiste en un modèle métallique de brosses à dents sur une plinthe du même matériau.

Tout chez Johns, malgré la banalité intentionnelle de ces thèmes et de ses formes – où précisément due à elle, les dessins banals ne génèrent pas d’énergie – c’est toujours l’élégance, en commençant par son traitement magistral de la toile qui remonte au concept de l’inertie pittoresque de Kenneth Noland,  et terminant par son intérêt dans l’acte de la peinture comme objet et non comme représentation.

Il était à Lisbonne, néanmoins, pendant que Hannover travaillait comme professeur d’espagnol à l’école de langues, et que le directeur général de Lucky strike en Europe lui assura que pour le dessin du paquet, œuvre de Raymond Loewy, créateurs, entre autres, du logo de Shell et de l’un des plus grands noms du design industriel, Johns n’avait jamais participé.

Sur le paquet original, une sphère peinte en rouge sur fond vert représente une boule sur une table de billard – ajoutant ainsi un nouveau jeu de mots au nom des cigarettes. Il paraît que durant la seconde guerre mondiale, de grandes quantités de paquets furent envoyé à destination des secteurs militaires et, parce qu’ils manquaient de couleur, Loewy redessina le paquet en utilisant le blanc et le rouge caractéristiques. La campagne publicitaire qui annonçait la nouvelle boîte faisait allusion au phénomène en utilisant l’ingénieuse phrase « les Lucky Strike vertes sont allés à la guerre. Voilà donc le nouvel uniforme élégant pour un bon tabac ». Il paraît que les femmes, qui se sont incorporées massivement au marché du travail et à leurs coutumes alors que les hommes étaient mobilisés, trouvèrent le paquet beaucoup plus attractif, raison pour laquelle il ne changea plus.

Malgré cette explication détaillée, Hannover a toujours trouvé le paquet de cigarettes en résonance intense avec les inoubliables et élégantes Diane de Jasper Johns, c’est Diane qui avec leur drapeau, leur numéro, lettres et cartes, leur sensibilité néo-dadaïste donnèrent le vrai coup de départ de l’art pop aux États-Unis échangèrent pour toujours la face du monde artistique en convertissant l’objet en peinture et en neutralisant le vide entre la vie et l’art.

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Paul Oilzum